Ce qui provoque le traumatisme du vétéran, ce n’est pas l’indifférence ni le manque de reconnaissance, c’est que la vie a continué. De retour à New York en 1946, Jerry fut effondré de revoir le gros portier de son immeuble promener son chien tous les jours comme il le faisait avant la guerre. Ainsi les gens avaient continué de manger leur breakfast, de faire leurs courses chez l’épicier du coin, et de promener leur toutou autour du pâté de maisons. Le décalage, voilà la cause principale de la dépression du combattant. La vie a suivi son cours, c’est pour cette vie qu’ils se sont battus (…). Si Salinger a quitté New York, c’est parce qu’on ne le laissait plus rentrer nulle part. Adolf Hitler a eu la même amertume de vétéran traumatisé à partir de 1919. Démobilisé et défait, frustré et désœuvré, vaincu et loser, Jerry s’est enfui pour ne pas devenir dictateur.