Le Secrétariat américain de la Défense prétend par la suite que Khadr a finalement reconnu être un terroriste. Trois ans après son arrestation, on dépose donc enfin les accusations. Mais comment les autorités américaines ont-elles obtenu cet aveu? Par des interrogatoires illégaux menés par le SCRS. Oui, le Service canadien du renseignement de sécurité lui-même. Joli.
En 2008, la Cour suprême du Canada ordonne au gouvernement fédéral de remettre aux avocats de Khadr la documentation sur les interrogatoires dont il a fait l’objet, notamment les vidéos de ceux-ci. Dès lors, on apprend que les agents du SCRS connaissaient les mauvais traitements subis par Khadr; ils savaient que ce dernier ne pouvait d’aucune façon répondre librement aux questions posées; que les aveux recueillis étaient, par voie de conséquence, systématiquement viciés.
Lorsque les documents, et surtout la vidéo, sont rendus publics, les manifestations populaires se succèdent afin de réclamer le rapatriement immédiat du jeune Khadr. Les partis politiques emboîtent le pas, parfois timidement, à ce mouvement populaire. Le Parti libéral, par exemple, peine à gérer un conflit d’intérêts évident: il était lui-même au pouvoir au moment de l’incarcération du Canadien. Difficile de crier maintenant à l’injustice.
Cet avis de la Cour suprême canadienne [le Renvoi relatif à la sécession du Québec] est crucial car, pour la toute première fois de l’histoire occidentale contemporaine, une cour nationale se penchait sur une question lourde de conséquences: la qualification juridique de la sécession d’une province issue d’un État démocratique. L’Avis de 1998 fut très controversé, car après la décision du gouvernement fédéral d’obtenir des clarifications légales sur la nature d’une telle démarche, l’ensemble du mouvement souverainiste québécois (auquel s’ajoutèrent des appuis fort importants de leaders fédéralistes) s’insurgea contre la tenue d’un renvoi. Le mouvement indépendantiste fit cabale en utilisant la célèbre boutade de l’ancien premier ministre québécois Maurice Duplessis: «La Cour suprême, c’est comme la tour de Pise, ça penche toujours sur le même bord!»