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Citation de Charybde2


Constant déboulait d’Oranie. Il avait un repère : la troisième bougie de Véronique, soufflée à la ferme avant son départ. On était à la mi-58, il se présentait pour un semestre à l’Ecole de guerre, un piston « au nom de l’Art » qu’il devait à Hardy, tout juste nommé « Père Légion » à Sidi-Bel-Abbès. Jusque là incorporé au QG du quartier Vienot, il savait exprimer en quelques traits les sentiments et émotions des légionnaires. Exercice, manoeuvre, casernement, campement, reconnaissance, progression, déplacement, tirs d’artillerie, observation… Ses dessins, aquarelles et croquis, d’inspiration orientaliste, s’éloignaient de la gloire militaire pour isoler le combattant dans une scène de brousse ou de vie quotidienne. Depuis les Beaux-Arts d’Alger, sa réputation le plaçait au niveau d’un Roger Jouanneau-Irriera dont les toiles décoraient le mess du square Bresson, tout près de l’Opéra. Au titre reculé de peintre des batailles, il avait reçu celui de peintre aux armées, avec rang de capitaine. Son insigne brandissait le laurier, le chêne et l’épée basse – emblème des hommes présents sur les théâtres d’opération, mais dépourvus d’armements.
Paris s’était présentée au détour d’une interview du conservateur de l’École militaire, publiée par l’hebdo de la soldatesque, Le Bled. « Si seulement l’École du Louvre n’était pas ce repaire de gauchistes », s’apitoyait le maître des lieux. Selon l’article, les grands tableaux du salon des Maréchaux étaient jaunis par le temps. Les médaillons au-dessus des portes pâlissaient, les dorures grisaient… Constant avait su lire entre les lignes. Le brave gradé ne pouvait compter sur aucun atelier de restauration. On avait d’autres chats à fouetter à l’état-major. Il avait donc fait sa proposition de nettoyage : si on lui confiait un tel chantier, il ôterait les repeints des précédentes restaurations et allègerait les vernis. Pour mettre toutes les chances de son côté, il avait eu l’audace de suggérer à Hardy de le recommander là-bas. Ainsi s’était-il retrouvé un semestre entier à Paris à redonner de la transparence et une nouvelle jeunesse aux oeuvres du peintre Jean-Baptiste Paon. Depuis plus d’un siècle, l’École supérieure de guerre sélectionnait les meilleurs officiers des armées françaises, amies et alliées. L’état-major n’en avait alors que pour Massu et ses huit mille paras. Lancée dans Alger avec tous les pouvoirs, sa 10e division venait de réduire à néant le FLN.
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