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Citation de Charybde2


L’apparition des trois chiens fait naître des sentiments contraires au sein de la foule. Beaucoup reculent. La plupart tendent la tête. Le cordon policier qui les tient à distance commence à se distendre. On peut lire sur les visages des signes de peur, de haine, de désir, de fascination. Les hommes tirent violemment sur les laisses pour empêcher les trois bullmastiffs d’avancer. À travers les muselières, on aperçoit les gueules massives et humides des canidés ; d’épais fils blanchâtres coulent jusqu’au sol. Les babines pendantes, qui leur donnent cet air presque triste, se relèvent et exhibent des dents effrayantes, des canines jaunies, jusqu’à leur gencive rouge. L’un des chiens secoue la tête ; son geste entraîne l’homme qui tente de le maîtriser avec un cordon de cuir. Celui-ci fait plusieurs pas de côté, s’agite comme une poupée de chiffon. La foule recule et tend un peu plus le cou. Lorsque le chien est maîtrisé, la troupe fait quelques pas en direction du fourgon de la fourrière. Le mouvement de marche révèle la musculature cachée sous la masse carnée des canidés. Ils sont grands et lourds, comme ramassés sur eux. Les chiens avancent ; leur démarche chaloupée, la tête comme suspendue entre leurs pattes avant, qui s’agite sur un ressort de muscles puissants et leur donne un effet comique d’animaux en plastique posés sur la lunette arrière d’un véhicule, ici démenti par leur agressivité rentrée mais visible ; ils n’ont pas l’élégance des félins, cette ondulation feutrée, mais au contraire des mouvements qui expriment la force brute, la bestialité ; il s’agit de quelque chose d’ancestral qui végète au plus profond du compagnon idéal depuis toujours ; celui qu’on peut qualifier de fidèle, qui préfère le collier à la liberté, mais que l’on craint pourtant, dont on se méfie malgré tout parce qu’il occulte cette part sombre que le loup, qui déboule dans la salle du trône pour mettre à mort le roi, exprime avec force sous la lune ; celui qui se tient debout, assis ou couché, langue pendante et qui aime se faire caresser, se met sur le dos, à la merci de son maître, ventre et testicules offerts, hante les cauchemars millénaires de l’humanité ; depuis la nuit où l’homme l’a posté à l’entrée de la caverne pour surveiller l’obscurité pendant que la tribu se serre et tousse devant le feu de bois ; le chien rampe en silence et saigne le nourrisson, se retourne et mord la main du maître, attend patiemment la chute de l’homme pour mieux le dévorer, l’achever.
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