De Paris à Nice, onze couchées, et de chacune, presque de chaque maison de poste où il attend les relais, une lettre vole vers la rue Chatereine, à l'adresse de la citoyenne Bonaparte, chez la citoyenne Beauharnais. Dans ces lettres, rien que de la passion : nulle ambition n'y apparaît, tant celui qui les écrit se tient assuré de sa fortune. Nul doute de lui-même, nulle incertitude sur l'avenir : une confiance si pleine qu'il n'a même pas besoin de l'exprimer. Nulle spéculation sur le futur, nul indice de ses projets, nulle inquiétude sur les moyens ; on dirait un de ces princes d'il y a deux siècles partant en poste pour commander une victoire. Rien qu'Elle et Lui, rien que de l'amour.
Jusqu'ici, toutes les femmes que Napoléon a possédées, il les a tenues pour des subalternes. Le prestige que, au début, Joséphine a exercé sur lui a complètement disparu à partir de 1806.
Pour satisfaire, par la femme, l'esprit d'ambition qui est en lui, il faut que l'aventure soit égalée à sa fortune ; il faut pour le moins une fille de race impériale, et c'est ce qu'il rencontre lorsque l'empereur d'Autriche mendie son alliance et lui offre pour épouse sa fille aînée, Marie-Louise.