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Citation de enkidu_


Au point de vue de l’Islam, l’homme est damné parce qu’il ne croit pas que Dieu est un ; on peut se demander quel intérêt aurait Dieu à ce que nous croyions qu’il est un plutôt que multiple. Or Dieu n’y a pas intérêt, mais l’idée d’Unité détermine et introduit une attitude salvatrice de cohérence et d’intériorisation qui détache l’homme de l’hypnose à la fois dispersante et comprimante du monde extérieur et indéfini ; sans cette attitude unitive, l’homme s’extériorise démesurément et par là même se dissipe, se durcit et se perd ; c’est l’homme, non Dieu, qui a intérêt de croire que Dieu est un. L’intériorité, qu’on ne saurait imposer d’emblée à tout homme, se trouve anticipée par une Loi-cadre qui rend la vie humaine cohérente en fonction de la Norme universelle et en vue du souverain Bien ; toute religion prend les mesures qui s’imposent, mais chacune avec des accentuations différentes, car l’idée maîtresse n’est pas nécessairement celle de l’unité ontologique telle que la présente l’Islam. Ce n’est de toute évidence pas la diversité des accentuations qu’il s’agit de relever ici, c’est uniquement le fait que l’homme, par suite de la chute — quelle que soit l’image qu’on s’en fait — est voué aux puissances extériorisantes et emprisonnantes de la mâyâ inférieure, en sorte que le seul moyen de le sauver est a priori une idée-clef qui s’oppose à cette mâyâ et qui détermine et introduit des mesures correctives et salvatrices. L’homme se damne, non pour la seule raison qu’il a péché mortellement, mais parce qu’il demeure dans l’état initial de péché ; ce péché-état qui est précisément la nature de l’homme déchu et dont la religion peut seule le sortir. L’homme n’est pas damné parce qu’il ne croit pas que Dieu est un, ou que le Christ sauve, ou que le monde est illusoire ; il se perd parce que, ne le croyant pas, il reste à la merci des puissances déshumanisantes de la mâyâ centrifuge, lesquelles semblent être jalouses de la chance unique qu’offre l’état humain. Quand on dit que ne pas croire ceci ou cela, c’est « offenser Dieu », on entend au fond que l’homme court à sa perte s’il ne s’accroche pas à telle «corde salvatrice », comme l’exprime un verset koranique.

« A moins que Dieu ne le veuille autrement » : cette réserve de principe vise, dans le Koran, non seulement la perpétuité de l’enfer, mais aussi celle du Paradis, lequel sera dépassé — ou « absorbé » — en fin de compte par le mystère du Ridhwân, la « Complaisance » divine, ce qui nous ramène à la cosmologie eschatologique d’Origène. Dans cette dimension terminale, qui en réalité est « sans origine et sans fin », il ne saurait y avoir aucun amoindrissement, bien au contraire : les êtres se trouvent réintégrés dans leurs essences intemporelles et incréées, dans ce qu’ils n’ont jamais cessé d’être en leur réalité quintessentielle. Il résulte de cela qu’il est beaucoup moins impropre de parler de l’éternité du Paradis que de celle de l’enfer, et cette asymétrie est même tellement évidente — quand on tient compte de la nature du souverain Bien — qu’il nous paraît inutile de la relever par une argumentation inépuisable à allure apologétique. C’est par conséquent l’éternité de l’enfer qui constitue un grand problème religieux ; non celle du Paradis, laquelle débouche sur l’Être pur ; sur Ce qui est.
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