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EAN : 9782702901434
185 pages
Le Courrier du Livre (29/03/1993)
4.25/5   4 notes
Résumé :
"Les cathédrales comportent souvent, et peut-être même toujours, des irrégularités intentionnelles qui signifient que Dieu seul est parfait et capable de perfection ; que les oeuvres humaines, comme l'homme lui-même, sont nécessairement imparfaites. Et ceci s'applique à l'univers entier, donc à tout ce qui n'est pas Dieu ; "que m'appelles-tu bon ?" a dit le Christ. Il ne faut pas s'étonner par conséquent, que ce principe englobe également le domaine du sacré... et a... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Attention, livre ardu, réservé aux initiés, qui ont de bonnes bases sur le symbolisme et les religions. Sans prosélytisme, ce livre propose des approches profondes et inédites sur la religion, tout en insistant sur la différence entre "l'esprit" et "la lettre" . On sent que l'auteur ne s'est pas contenté de synthétiser divers écrits ou exégèses, mais qu'il a longuement réfléchi par lui-même pour arriver à l'étude qu'il nous livre. Un livre extrêmement intéressant qui m'a éclairé.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Le polythéisme ni l’idolâtrie ne sauraient entrer dans l’Islam. Cependant, le « polythéisme musulman » est représenté par les quatre-vingt-dix-neuf Noms de Dieu, et « l’idolâtrie musulmane », par la Kaaba et la pierre noire ; la Kaaba se prolongeant par la niche de prière dans les mosquées. […] En bonne logique et en toute rigueur, les Musulmans devraient prier en fermant les yeux et sans s’occuper d’une direction rituelle ; l’abstraction serait alors parfaite.

Le Divin doit toujours pouvoir se rendre perceptible aux hommes, soit indirectement dans ses traces existentielles, soit directement par ses théophanies. « L’eau prend la couleur du récipient » a dit un soufi, et c’est ainsi que la Réalité divine, transcendante en soi, entre dans l’ordre temporel sans sortir de son Immutabilité.

L’archétype du miracle est l’irruption de l’Absolu dans la contingence.

Les dogmes intrinsèquement « orthodoxes », donc disposés en vue du salut, diffèrent d’une religion à une autre ; par conséquent tous ne peuvent être objectivement vrais. En revanche, tous les dogmes sont symboliquement vrais et subjectivement efficaces ; c’est-à-dire qu’ils sont censés créer des attitudes humaines qui contribuent à leur manière au miracle divin de la salvation. C’est là pratiquement le sens du terme bouddhique upâya, « procédé technique » ou « stratagème spirituel ».

Somme toute, la Messe catholique est comparable à l’image du soleil réfléchie dans un miroir : sans prétendre être le soleil, elle le « répète » ; tandis que la Cène luthérienne est comparable – ou entend l’être – non à l’image réfléchie du soleil, mais simplement au rayon.

Du côté catholique, il y a une certaine bureaucratisation du sacré, laquelle va de pair avec une sorte de « militarisation » de la sainteté.

L’une des grandes qualités de l’Eglise catholique – qu’elle partage avec l’Eglise orthodoxe – est son sens du sacré, lequel s’exprime liturgiquement et esthétiquement par ses messes solennelles ; dans le Protestantisme, ce sens se concentre uniquement sur l’Ecriture et la prière, ce qui entraîne incontestablement un grand appauvrissement, non forcément pour l’individu, mais pour la collectivité.

La sagesse, c’est pratiquement « l’art » de sortir de l’illusion qui séduit et enchaîne, d’en sortir par l’intelligence et ensuite par la volonté. […] la Sagesse descend sur nous. Le siège immanent de la Sagesse est le cœur de l’homme.

Le mal ne saurait être absolu, il dépend toujours de quelque bien dont il abuse ou qu’il pervertit ; le caractère absolu ne saurait appartenir qu’au bien seul.

Le Bouddhisme théravadin et le Zen ont pour point de départ cette puissance, au point d’exclure de leur perspective tout ce qui semble faire fonction de Divinité objective ; le Christianisme au contraire met l’accent sur la déchéance humainement irrémédiable de notre nature et sur la nécessité absolue d’une intervention divine, donc étrangère à l’être humain. La position de l’Islam est intermédiaire : l’homme se sauve à la fois en vertu de ses caractères déiformes inaltérables – car l’homme déchu est toujours l’homme – et en vertu d’une intervention divine qui les met en valeur.

Le monothéisme, dans la mesure où il est « totalitaire », a tendance à réduire les réalités divergentes à un seul rapport, celui de la « volonté » de Dieu.

Il est un fidéisme aveugle qui abolit l’intelligence, comme il est un légalisme pédant qui ruine le sens moral.
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Totalité de l’intelligence, liberté de la volonté, désintéressement de l’amour, donc capacité de générosité, de compassion, de dépassement de soi, bref d’objectivité intégrale : ces caractères de l’homme prouvent que sa raison d’être est le rapport avec l’Absolu. C’est-à-dire que seules les facultés de l’homme sont proportionnées à ce rapport, et c’est d’ailleurs pour cela que sa position corporelle est verticale et qu’il possède le don de la raison et de la parole ; l’homme est ainsi fait qu’il peut concevoir, vouloir et aimer ce qui le dépasse infiniment. Il peut être métaphysicien et il peut pratiquer une méthode spirituelle ; il peut y trouver son bonheur et le prouver par ses vertus.

C’est avec cette nature, donc avec la disposition foncière — ou la capacité spécifique — de l’homme de connaître Dieu et d’aller à lui, que compte nécessairement toute religion ; mais toute religion ne se fonde pas forcément sur la puissance salvifique inhérente à notre nature humaine en vertu de la déiformité de celle-ci. Le Bouddhisme théravadin et le Zen ont pour point de départ cette puissance, au point d’exclure de leur perspective tout ce qui semble faire fonction de Divinité objective ; le Christianisme au contraire met tout l’accent sur la déchéance humainement irrémédiable de notre nature et sur la nécessité absolue d’une intervention divine, donc étrangère à l’être humain.

La position de l’Islam est intermédiaire : l’homme se sauve à la fois en vertu de ses caractères déiformes inaltérables — car l’homme déchu est toujours l’homme — et en vertu d’une intervention divine qui les met en valeur. Ce qu’est dans l’Islam la nature humaine mise en valeur par la Révélation sera dans le Christianisme le Christ : c’est lui qui, « vrai homme et vrai Dieu », restaure à l’homme sa nature ; l’homme déchu — le « pécheur » — est régénéré dans et par le Rédempteur. C’est dire que le Christianisme se réfère, non directement à l’Absolu en tant que tel, mais au Bien en tant qu’il manifeste sa fonction réintégrante de Miséricorde ; cette relativisation répond à la réduction de facto de la nature humaine à un accident « historique » ou cosmique, mais il va sans dire qu’il y a là également — comme dans toute religion — une clef vers l’Absolu en soi. Dans l’Islam et dans les perspectives analogues, le principe christique sera le «cœur », comparé parfois à un miroir rouillé ; la Révélation est censée rendre à ce miroir sa luminosité primordiale.

L’Islam, se fondant sur l’Unité et la Transcendance, accentue forcément dans ses expressions et ses attitudes les aspects essentiels de l’Un, aspects dont nous avons parlé au début de ce chapitre ; il est vrai que les mêmes accentuations peuvent, ou doivent même, se rencontrer partout sous une forme ou sous une autre, en sorte que notre exposé peut donner lieu à des applications appropriées aux perspectives les plus diverses ; mais c’est du cas concret de l’Islam que nous entendons traiter ici.
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Selon un hadîth aussi énigmatique que célèbre, « les femmes, les parfums et la prière » ont été « rendus aimables » (hubbiba ilayya) au Prophète ; puisqu’il en est ainsi, force nous est d’admettre que ces trois amours à première vue disparates entrent nécessairement dans la substance mohammédienne et par conséquent dans l’idéal spirituel des soufis. Toute religion intègre nécessairement l’élément féminin — l’« éternel féminin » (das Ewig Weiblicke) si l’on veut — dans son système, d’une manière soit directe, soit indirecte ; le Christianisme divinise pratiquement la Mère du Christ, malgré les réserves exotériques, c’est-à-dire le distinguo entre une « latrie » et une « hyperdulie ». L’Islam de son côté, et le Prophète en premier lieu, a sacralisé la féminité, sur la base d’une métaphysique de la déiformité ; le secret qui entoure la femme, et que symbolise le voile, correspond fondamentalement à une intention de sacralisation. La femme incarne pour le Musulman deux pôles, à part sa fonction simplement biologique et sociale, à savoir l’« extinction » unitive et la « générosité », et ce sont là, au point de vue spirituel, deux façons de vaincre l’esprit profane, fait d’extériorité, de dispersion, d’égoïsme, de durcissement et d’ennui. La noblesse d’âme que procure, ou peut procurer, cette interprétation ou mise en valeur de l’élément féminin, loin de n’être qu’un idéal abstrait, est parfaitement discernable chez les Musulmans représentatifs, c’est-à-dire chez ceux qui se trouvent encore enracinés dans l’Islam authentique(1).

Quant à l’amour des « parfums » dont le hadîth cité fait mention, il symbolise le sens du sacré et d’une manière générale l’intuition des ambiances, des émanations, des auras ; il est en rapport par conséquent avec le « discernement des esprits », sans oublier le sens de la beauté. D’après l’Islam, « Dieu aime la beauté » et il hait la saleté et le vacarme, ce dont témoigne l’atmosphère de fraîcheur, d’harmonie et d’équilibre, bref de barakah, dans les demeures musulmanes encore traditionnelles, et avant tout dans les mosquées ; atmosphère qui, de toute évidence, fait elle aussi partie de la substance mohammédienne.

Le hadîth mentionne ensuite la prière, laquelle n’est autre que le « souvenir de Dieu », et celui-ci constitue la raison d’être de tous les amours possibles, puisqu’il est l’amour de la source et des archétypes ; il coïncide avec l’amour de Dieu, qui est l’essence même de la nature prophétique. Si la prière est mentionnée en troisième lieu, c’est à titre de conclusion : en parlant des femmes, Mohammed parle au fond de lui-même ; en parlant des parfums, il pense au monde qui nous entoure, à l’ambiance ; et en parlant de la prière, il exprime son amour de Dieu.

(1) C’est toujours celui-ci que nous avons en vue, et non des soi-disant « renouveaux » qui combinent monstrueusement un formalisme musulman avec des idéologies et tendances modernistes.
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Le recueillement, comme la sérénité, est indiqué par le mot « Paix » dans la formule eulogique du Prophète : « Sur lui soit la Bénédiction et la Paix » (alayhi eç-Çalâtu wa es-Salâm) ; de l’élément « Bénédiction » relèvent les deux qualités dont nous parlerons maintenant, la ferveur et la certitude. La ferveur, en symbolisme spatial, est le complément « horizontal » du recueillement, la certitude étant le complément « vertical » de la sérénité ; d’une part, l’Est s’oppose complémentairement à l’Ouest, et d’autre part, le Sud s’oppose au Nord. Ces remarques, sans rien énoncer d’indispensable, ont sans doute leur utilité pour ceux qui sont sensibles au langage du symbolisme et des analogies.

La qualité de ferveur semble s’opposer à celle de recueillement comme l’action semble s’opposer à la contemplation ; n’empêche que sans l’activité sacramentelle, la contemplation manquerait de support, non pas forcément dans l’instant présent, mais dès que la durée se fait sentir. La qualité de ferveur est en effet la disposition de l’âme qui incite à l’accomplissement de ce que nous appellerons le « devoir spirituel » ; si celui-ci s’impose par une loi extérieure, c’est parce qu’il s’impose intérieurement et a priori par notre propre « nature surnaturelle » ; un Hindou dirait que c’est notre dharma de libérer notre âme, comme c’est le dharma de l’eau de couler, ou du feu de brûler. Cette loi immanente, dans l’Islam, se manifeste sous la forme du « souvenir de Dieu » (dhikru’Llâh) ; or le Koran spécifie qu’il faut se souvenir de Dieu « beaucoup » (dhikran kathîran), — le Nouveau Testament dit « sans se lasser », — et c’est cette fréquence ou cette assiduité, ensemble avec la sincérité de l’acte d’oraison, qui constitue la qualité de ferveur. Car l’acte sacré ne doit pas seulement dominer l’instant où il surgit, il doit dominer également la durée ; la perfection de l’acte exige comme conséquence logique et comme complément la persévérance ; il ne suffit pas d’être saint « maintenant », il faut l’être « toujours », et c’est pour cela que le soufi est « fils du moment » (ibn el-waqt).

On comprendra aisément la comparaison de l’activité spirituelle avec la guerre sainte (jihâd) : car l’installation du sacré dans l’âme naturellement extériorisée — à la fois dispersée et paresseuse — implique nécessairement un combat, et nous dirons même un combat contre le dragon, pour employer une expression propre au symbolisme initiatique. Toute spiritualité exige par conséquent les vertus viriles de vigilance, d’initiative, de ténacité ; la ferveur est une qualité foncière de l’Homme-Logos ; et nous dirons que l’immensité de la victoire de l’Islam prouve l’immensité de la force d’âme du Prophète.
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Au point de vue de l’Islam, l’homme est damné parce qu’il ne croit pas que Dieu est un ; on peut se demander quel intérêt aurait Dieu à ce que nous croyions qu’il est un plutôt que multiple. Or Dieu n’y a pas intérêt, mais l’idée d’Unité détermine et introduit une attitude salvatrice de cohérence et d’intériorisation qui détache l’homme de l’hypnose à la fois dispersante et comprimante du monde extérieur et indéfini ; sans cette attitude unitive, l’homme s’extériorise démesurément et par là même se dissipe, se durcit et se perd ; c’est l’homme, non Dieu, qui a intérêt de croire que Dieu est un. L’intériorité, qu’on ne saurait imposer d’emblée à tout homme, se trouve anticipée par une Loi-cadre qui rend la vie humaine cohérente en fonction de la Norme universelle et en vue du souverain Bien ; toute religion prend les mesures qui s’imposent, mais chacune avec des accentuations différentes, car l’idée maîtresse n’est pas nécessairement celle de l’unité ontologique telle que la présente l’Islam. Ce n’est de toute évidence pas la diversité des accentuations qu’il s’agit de relever ici, c’est uniquement le fait que l’homme, par suite de la chute — quelle que soit l’image qu’on s’en fait — est voué aux puissances extériorisantes et emprisonnantes de la mâyâ inférieure, en sorte que le seul moyen de le sauver est a priori une idée-clef qui s’oppose à cette mâyâ et qui détermine et introduit des mesures correctives et salvatrices. L’homme se damne, non pour la seule raison qu’il a péché mortellement, mais parce qu’il demeure dans l’état initial de péché ; ce péché-état qui est précisément la nature de l’homme déchu et dont la religion peut seule le sortir. L’homme n’est pas damné parce qu’il ne croit pas que Dieu est un, ou que le Christ sauve, ou que le monde est illusoire ; il se perd parce que, ne le croyant pas, il reste à la merci des puissances déshumanisantes de la mâyâ centrifuge, lesquelles semblent être jalouses de la chance unique qu’offre l’état humain. Quand on dit que ne pas croire ceci ou cela, c’est « offenser Dieu », on entend au fond que l’homme court à sa perte s’il ne s’accroche pas à telle «corde salvatrice », comme l’exprime un verset koranique.

« A moins que Dieu ne le veuille autrement » : cette réserve de principe vise, dans le Koran, non seulement la perpétuité de l’enfer, mais aussi celle du Paradis, lequel sera dépassé — ou « absorbé » — en fin de compte par le mystère du Ridhwân, la « Complaisance » divine, ce qui nous ramène à la cosmologie eschatologique d’Origène. Dans cette dimension terminale, qui en réalité est « sans origine et sans fin », il ne saurait y avoir aucun amoindrissement, bien au contraire : les êtres se trouvent réintégrés dans leurs essences intemporelles et incréées, dans ce qu’ils n’ont jamais cessé d’être en leur réalité quintessentielle. Il résulte de cela qu’il est beaucoup moins impropre de parler de l’éternité du Paradis que de celle de l’enfer, et cette asymétrie est même tellement évidente — quand on tient compte de la nature du souverain Bien — qu’il nous paraît inutile de la relever par une argumentation inépuisable à allure apologétique. C’est par conséquent l’éternité de l’enfer qui constitue un grand problème religieux ; non celle du Paradis, laquelle débouche sur l’Être pur ; sur Ce qui est.
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