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Citation de enkidu_


Il y a sans doute une distinction à faire, dans le cadre d’une civilisation traditionnelle, entre l’art sacré et l’art profane. La raison d’être du premier est la communication de vérités spirituelles d’une part d’une présence céleste d’autre part ; l’art sacerdotal a en principe une fonction proprement sacramentelle. Plus modeste, de toute évidence, est la fonction de l’art profane : elle consiste à fournir ce que les théologiens appellent des « consolations sensibles », en vue d’un équilibre utile à la vie spirituelle, au même titre que les fleurs et les oiseaux dans un jardin. L’art, quel qu’il soit, – y compris l’artisanat, – est là pour créer un climat et pour forger une mentalité ; il rejoint ainsi, directement ou indirectement, la fonction de la contemplation intériorisante, le darshan hindou : contemplation d’un saint homme, d’un lieu sacré, d’un objet vénérable, d’une image divine(1).

En principe, et en l’absence de facteurs opposés capables de neutraliser cet effet, le phénomène esthétique est un réceptacle qui attire une présence spirituelle ; si cela s’applique le plus directement possible aux symboles sacrés, où cette qualité se superpose à une magie sacramentelle, cela vaut également, d’une manière plus diffuse, pour tous les éléments d’harmonie, donc de vérité devenue sensible.
(…)
L’art sacré est vertical et ascendant, tandis que l’art profane est horizontal et équilibrant. A l’origine, il n’y avait rien de profane ; chaque outil était un symbole et même la décoration était symboliste et sacrale. Mais avec le temps, l’imagination se répandait de plus en plus sur le plan terrestre, et l’homme sentait le besoin d’un art qui fût pour lui-même et non pour le Ciel seulement ; aussi la terre, qui à l’origine était sentie comme un prolongement ou une image du Ciel, devenait-elle de plus en plus la terre pure et simple, c’est-à-dire que l’humain se sentait de plus en plus le droit de n’être qu’humain. Si la religion tolère cet art, c’est parce qu’il a sa fonction légitime dans l’économie des moyens spirituels, dans la dimension horizontale ou terrestre et en vue de la dimension verticale ou céleste.

(1) Quand on compare les peintures tonitruantes et lourdement charnelles d’un Rubens avec des œuvres nobles, correctes et profondes telles que la Giovanna Tornabuoni de Ghilandaio ou le paravent aux pruniers en fleurs de Kôrin, on peut se demander si le terme d’ « art profane » peut servir de dénominateur commun pour des productions aussi foncièrement inégales. Dans le cas des œuvres nobles et empreintes d’esprit contemplatif, on aimerait mieux parler d’art « extra-liturgique », sans devoir spécifier s’il est profane ou non, ou dans quelle mesure il l’est. Il faut du reste distinguer entre l’art profane normal et celui qui est dévié, et qui de ce fait cesse d’être un terme de comparaison. (pp. 179-182)
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