Gabriel Robin

[Pour déguster le pangolin : ]

1. Au caramel. Spécialité chinoise s’il en est, le porc au caramel est un délice unanimement apprécié. Pour le réaliser, vous aurez besoin de quelques ingrédients exotiques. Un pangolin évidemment, que vous importerez directement du marché aux fruits de mer de Wuhan. Les autres ingrédients seront facilement trouvables chez les Frères Tang ou à l’Asia Center le plus proche : des sauces soja claires et sombres, du vin de riz chinois, du sucre cristal en morceau et des cébettes. Faites colorer votre pangolin en morceau (vous aurez préalablement ôté la carapace, indigeste pour l’homme), puis réservez. Enfin faites votre caramel et ajoutez les morceaux de pangolin à la préparation. Montez le feu et déglacez avec les sauces et le vin. Couvrez et mouillez à hauteur. Plus que deux heures à attendre pour déguster de petits morceaux fondants de pangolin caramélisé.

2. À l’italienne. Cannellonis de pangolin à la ricotta et menthe fraiche. Ça sonne bien, non ? Un plat qui sera un double hommage historique à la Chine, les pâtes ayant été importées chez nos voisins transalpins par les marchands qui empruntaient la route de la Soie… comme la peste bubonique. Ces cannellonis modernes pourraient s’appeler les « Marco Polo ». Un peu difficile à préparer, le pangolin devra être bouilli puis débarrassé de sa tête (réutilisable pour préparer un jus corsé qui viendra parfumer notre plat de pâtes farcies et gratinées) avant d’être mélangé à la ricotta et à la menthe. Cette farce minute sera intégrée aux pâtes, lesquelles passeront au four recouvertes d’une légère béchamel montée à la ricotta.

3. En méchoui. C’est bientôt le ramadan. Plutôt qu’un mouton, pourquoi ne pas rôtir un pangolin à la broche sur le parking de votre immeuble de La Courneuve ? Nos amis Jean-Eudes et Gonzague pourront se charger de la découpe de l’animal, en kebab. La viande devra auparavant être marinée dans un mélange d’épices, d’harissa verte et de miel. Pour l’accompagner un couscous et un bouillon de légumes d’été, enrichi du museau et des pieds de pangolin qui apporteront une texture gélatineuse et de la richesse à ce plat de fête. Un pont entre deux Orients, le moyen et l’extrême, pour cette recette de cuisine fusion et cosmopolite.

4. Pour Pâques. Autre plat de fête de saison : le traditionnel agneau pascal ! Et si nous faisions un pangolin pascal ? Pour réussir votre pangolin pascal, sélectionnez deux beaux gigots de pangolin que vous ferez tout simplement rôtir au four avec quelques gousses d’ail et de l’huile d’olive. À la française. Vous l’accompagnerez de son jus de cuisson et de haricots coco revenus avec du lard de pangolin et, éventuellement, quelques langues de chauve-souris fumées. Sachez que si vous n’en trouvez pas, vous pouvez tout à fait remplacer les langues de chauve-souris par de plus communes langues de macaques de Bornéo, disponibles dans tous les bons marchés mouillés d’Asie.

5. Façon Top Chef. On peut et on doit sortir le pangolin des sentiers battus. Il ne tient qu'à vous de transformer ce mets de choix en plat de haute gastronomie. Sélectionnez un pangolin élevé sous la mère que vous farcirez aux trois viandes du Yangtze : cobra royal, panda nain et louveteau blanc importé de Mongolie occidentale. Autres ingrédients essentiels à avoir pour cette recette ; de la bile d’ours et des méduses violettes de première fraîcheur. De quoi vous entraîner pour recevoir une délégation d’officiels chinois après la pandémie.

L'Incorrect, lettre journalière du 6 avril 2020.