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Citation de VALENTYNE


– Sous le crâne de Robert, il y a plusieurs cerveaux qui tournent à plein régime, glisse Prévert à son voisin. C’est pour ça qu’il a les yeux cernés. Même quand il dort, ses cerveaux continuent à brasser des idées, à concasser des vers, des notes de musique, des équations… il n’y peut rien, il est né comme ça. Parfois il crie « vos gueules ! », il voudrait la paix, couper le son et la lumière, dormir comme une bûche assez naïve pour ne pas sentir l’odeur de brûlé. Mais tu vois, Robert n’est pas naïf, c’est un rêveur lucide, il rêve les yeux ouverts.

– C’est une qualité rare, approuve Verdet. Je suis d’accord avec vous, Desnos, les poètes savent toucher des gens très différents. Un poème a plus de force qu’un discours, par l’émotion qu’il fait naître.

– Hier soir, j’en ai écrit un pour les enfants. Un mélange de réel et de fantaisie. Il s’appelle La fourmi, précise Robert avant de réciter : Une fourmi de dix-huit mètres

Avec un chapeau sur la tête,

ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Une fourmi traînant un char

Plein de pingouins et de canards,

ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Une fourmi parlant français,

parlant latin et javanais,

ça n’existe pas, ça n’existe pas.

Eh ! Pourquoi pas ?

– Hum… La fantaisie est manifeste, mais où se cache le réel ? sourit Verdet.

– Et bien, réponds Robert, cette fourmi de dix-huit mètres ne ressemble-t-elle pas à une locomotive, et son chapeau à un panache de fumée ? Dix-huit mètres, c’est la longueur précise d’une locomotive avec son tender à charbon. Et ces passagers de toutes les races parlant des langues différentes…

– …sont les déportés ? souffle Verdet, songeur.

– C’est bien possible, murmure Robert. Et le fait qu’on emporte tous ces gens vers un lieu effrayant, que disparaissent ainsi des milliers de femmes et d’enfants, c’est tellement dur à croire… Et pourtant…

– Mais vous l’adressez aux gosses, qui s’arrêteront à la fantaisie.

– Bien sûr, répond Robert. Et c’est bien ainsi. Le réel donne au poème son sens caché. Eux n’en non pas encore besoin, ils le découvriront bien assez tôt.

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