“La Duchesse, défaillant. Ah !… ah!
Le Duc. Qu’avez-vous ?
Mouvement général.
La Duchesse. Ce n’est rien, l’émotion…joie… je suis dans un état de complet prostitution.
Émotion générale.
Le Duc, avec dignité. La Duchesse est étrangère…”
“Le duc, froidement. Vous vous permettez de siffloter ici !
Le laquais, balbutiant. Que monsieur le duc veuille bien m’excuser. Je croyais qu’il n’y avait personne dans cette pièce.
Le duc. Il y avait mon portrait.”
Je m'applique volontiers à penser aux choses auxquelles je pense que les autres ne penseront pas.
PERSONNAGES :
LE COMTE HUBERT DE LATOUR-LATOUR, 40 ans LE DUC DE MAULÉVRIER, 58 ans PARMELINE PINCHET MONSIEUR DURAND LE BARON BENIN LE VICOMTE DE SAINT-GOBAIN LAUREL MICHEL, Maître d’hôtel LA DUCHESSE DE MAULÉVRIER BRIGITTE TOUCHARD, 26 ans MADAME JEANVRE, 20 ans COMTESSE DE JARGEAU VICOMTESSE DE SAINT-GOBAIN MELANIE
ACTE I
Un manoir aux environs de Deauville. Salon donnant sur une terrasse. Au-delà, un parc. Audelà, la mer. Piano. Au-dessus de la cheminée, un grand portrait en pied du duc de Maulévrier en une pose noble et satisfaite et en tenue d’académicien. Armoiries ducales dans le coin du tableau.
SCENE PREMIERE
Au lever du rideau, un laquais, en grande tenue, culotte de panne, bas de soie, habit à la française, galonné, remet deux fauteuils en place, puis regarde si tout est en ordre en sifflotant très légèrement. LE DUC, entre et l’entend.
LE DUC
froidement
Vous vous permettez de siffloter ici !
LE LAQUAIS
balbutiant
.
Que monsieur le duc veuille bien m’excuser. Je croyais qu’il n’y avait personne dans cette pièce.
LE DUC
Il y avait mon portrait. Vous n’êtes plus de ma maison. Allez…
(LE LAQUAIS sort. LE DUC va se placer sous son portrait, dans la même pose ; un temps.)
MICHEL, maître d'hötel
entrant
Le secrétaire de monsieur le duc est là.
LE DUC
Qu’il entre !
(MICHEL s’efface. LAUREL entre.)
LE DUC
Bonjour, monsieur Laurel. Je me porte bien.
LAUREL
Je venais vous rendre compte du courrier, monsieur le duc. Il est arrivé aujourd’hui à Deauville avec un peu de retard à cause de l’accident survenu à Lisieux. Monsieur le duc a dû voir cela dans les journaux ?
Le duc de Maulévrier, de l'académie française, a surpris le comte Hubert de Latour-Latour aux genous de la duchesse. Mais celle-ci a une inspiration géniale : le comte la suppliait d'intervenir auprès de son mari pour que celui-ci appuie sa candidature à l'académie !
Voilà les deux amants sauvés, mais Hubert, qui n'a rien ou presque rien écrit, ne saurait prendre au sérieux cette prétendue candidature. Tel n'est pas l'avis de la duchesse. Or, si son langage savoureux demeure approximatif (elle est américaine), sa force de persuasion est grande ; elle ne tardera donc pas à convaincre Hubert.
Effectivement, Hubert endossera l'habit vert. Mais le jour de sa réception, une de ses lettres d'amour à la duchesse se glisse parmi les feuillets du discours que le duc doit prononcer pour l'accueillir sous la coupole : on imagine le scandale !
Pourtant tout s'arrange grâce à la mansuétude de l'offensé et aux bons offices...du président de la République. Hubert épousera sa secrétaire, filleule du président, tandis que la duchesse s'éprend...de son mari.
[...] Quelque peu malmenée dans cette pièce, l'académie française n'en tint pas rigueur à Robert de Flers, puisqu'elle l'accueillit dans son sein. Après la mort prématurée de Cavaillet, c'est Francis de Croisset qui le remplaça auprès de Robert de Flers.
(extraits de "Lagarde et Michard" - XX° siècle - Le Théâtre avant 1914)
Un manoir des environs de Deauville. Un salon donnant sur une terrasse. Au delà un parc. Au delà la mer. Piano. Au dessus de la cheminée, un grand portrait en pied du duc de Maulévrier dans une pose noble et satisfaite. Armoiries ducales dans le coin du tableau.
Au lever du rideau, un laquais en grande tenue, culotte de panne, bas de soie, habit à la française, galonné, remet deux fauteuils en place, puis regarde si tout est en ordre en sifflotant très légèrement.
Le duc entre et l'entend.
Le duc, froidement.- Vous vous permettez de siffloter ici !
Le laquais, balbutiant.- Que monsieur le duc veuille bien m'excuser. Je croyais qu'il n'y avait personne dans cette pièce.
Le duc.- Il y avait mon portrait. Vous n'êtes plus de ma maison. Allez....
Le laquais sort. Le duc va se placer sous son portrait, dans la même pose. Un temps....
Michel, maître d'hôtel entrant.- Le secrétaire de monsieur le duc est là.....
(lever de rideau de "l'habit vert", pièce parue dans "la petite illustration" en mai 1913)