J’ai eu des joies, bien sûr. Mais ce n’est pas grâce à la maison, c’est grâce à l’amour de ma mère. Et depuis qu’elle n’est plus là, il n’y a rien qui me retient dans cette maison. Je n’ai pas envie de dépenser mon temps, mon argent et mon énergie à la retaper. Pourquoi, pour qui le ferai-je ? C’est le genre de chose qu’on fait quand on veut se construire un nid, une famille. Mais moi tout seul…
Les années ont passé, les mentalités ont évolué, mais pour les crétins arriérés du village qui t’ont toujours méprisé, pour eux, ça ne changera rien. Tu peux être devenu le maire de Paris, de New-York, ou même le Roi du monde, pour eux, ici, tu restes Yanis Dupré, fils de personne, le bâtard de Camille, la fille Dupré qui a mal tourné.
Quand ils étaient enfants, il pensait qu’elle était une fée pour lui, comme dans les contes d’autrefois. Elle avait mis de la couleur dans sa vie, lui avait offert le rêve d’un avenir différent et il l’avait aimée éperdument.
...je n’ai pas vécu comme un moine, j’ai connu d’autres femmes, toujours des femmes mariées, peut-être pour être sûr de ne pas m’engager, un vrai coucou, incapable de construire son propre nid…
Lors de son exil, dans l’anonymat de la grande ville, ça lui avait semblé sans importance et il s’était construit une vie différente, mais qui ne l’avait pas rendu heureux. Revenir dans la maison de son enfance avait réveillé de vieux fantômes, des questions sans réponse et des blessures qu’il avait crues cicatrisées depuis longtemps.
La magie de l’endroit était morte depuis longtemps, peut-être depuis qu’ils étaient devenus adultes tous les trois. Les choses lui paraissaient tellement plus simples quand ils étaient enfants.
...je ne vivais que pour toi, je respirais pour toi et je peignais pour toi. Accessoirement, c’est aussi tout ça qui me permettait de vivre, de survivre, c’était mon oxygène, autant que toi.
Elle maîtrisait l’art délicat de sortir des vérités pas toujours bonnes à dire, ce qui lui avait déjà valu des ennuis, que ce soit à l’école ou avec sa redoutable mère.
Il la trouvait si belle, il la sublimait dans tous ses dessins, espérant secrètement que ça suffirait à lui faire comprendre à quel point il était amoureux d’elle.
Pour prétendre à faire l’amour, il faut aimer, ce n’est pas uniquement une affaire de sexe. Je l’ai appris et la leçon avait un goût amer.