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Annie Collognat-Barès (Éditeur scientifique)
EAN : 9782266096065
253 pages
Pocket (25/08/1999)
3.39/5   1478 notes
Résumé :
Marivaux

L'Île des esclaves

Des naufragés jetés par la tempête dans l'île des Esclaves sont obligés, selon la loi de cette république, d'échanger leurs conditions : de maître, Iphicrate devient l'esclave de son esclave Arlequin, et Euphrosine, de maîtresse, devient l'esclave de son esclave Cléanthis. Mais cet échange ne fait que remplacer une oppression d'usage et de tradition par une oppression de rancune et de vengeance. Seule la tran... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (105) Voir plus Ajouter une critique
3,39

sur 1478 notes
Il doit bien y avoir quelques grammes de Rousseau dans Marivaux, tout au moins de précieux germes, avec la verve et le mordant gracieux d'un Voltaire ou d'un Beaumarchais.

En effet, quelle brûlante petite comédie met-il sur le feu de l'aristocratie d'alors avec cette Île des Esclaves ! Ouh ! Que ça devait faire mal d'entendre ça ! Car Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux sait très bien de quoi il parle et sait également à qui il s'adresse.

Il faut saluer ce beau courage de dire tout haut, dès 1725, à une époque où les Lumières sont encore au stade de l'étincelle, que l'aristocratie se comporte envers le peuple de la façon la plus abjecte ; qu'elle est, même vis-à-vis d'elle-même, mesquine, superficielle et viciée. Rien que ça. Chapeau bas Monsieur de Marivaux.

Elle est petite cette comédie — un seul acte —, mais elle est corrosive à souhait et l'on y sent déjà comme un avertissement à la classe dirigeante, comme un avant-goût de révolte. Assez parlé ! L'histoire, quelle est-elle ?

Au large de la Grèce (On éloigne un peu l'action histoire de ne pas trop s'attirer les foudres de la cour de Louis XV, mais tout le monde s'y reconnaît cependant.), un bateau transportant des personnes de qualité et leurs domestiques fait naufrage.

Or, le naufrage a lieu sur l'Île des esclaves, une île où, des années auparavant, des domestiques ou des esclaves (Marivaux emploie le terme esclave pour désigner les domestiques ce qui renforce le trait) mutinés ont trouvé refuge et ont, au passage, trucidé leurs maîtres.

Depuis lors, dès qu'un arrivage se fait sur l'île, ces compagnons démocrates de l'île (eux-mêmes ex-serviteurs) infligent une inversion des positions sociales aux naufragés.

C'est ainsi qu'Iphicrate, le maître et son serviteur Arlequin ainsi qu'Euphrosine et sa servante Cléanthis vont faire l'expérience d'une inversion des rôles sous la houlette de Trivelin, le grand ordonnateur de l'île. Ceci est bien sûr le prétexte à de nombreuses répliques comiques, mais aussi et surtout à une prise de conscience de l'iniquité avec laquelle les maîtres ont conduit leur destinée jusqu'alors, notamment envers leurs subordonnés.

Je vous laisse savourer la chute et ce qui a bien pu l'inspirer à Marivaux en cet Ancien Régime flamboyant. Il demeure une très belle comédie sociale, pleine d'allant et de sous-entendus, que j'élèverais sans honte au firmament de mes cinq étoiles s'il n'était une impression de trop grande brièveté. Je vous la conseille sans hésitation, mais tout ceci n'est que mon valétudinaire avis, c'est-à-dire, bien peu de chose sur le continent.
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L'île aux esclaves est un bon livre, étonnant notamment par le fait qu'il n'a absolument pas vieilli depuis 1725, que ce soit dans l'écriture ou les sujets abordés.
Ce qui m'a particulièrement plu dans cette oeuvre, c'est l'idée directrice du livre, qui est à la fois originale, plaisante mais qui porte également à réfléchir. En effet, les rapports dominants/dominés seront toujours présents et pose, encore de nos jours, nombre de problèmes. (Pour ceux qui n'ont pas lu le livre, arrêtez vous là). L'idée d'inverser les conditions entre esclaves et maîtres apporte un intérêt à l'oeuvre, du fait qu'elle apporte à la fois des situations relativement drôles mais porte aussi la base de la réflexion que va développer Marivaux. Ces deux duos de personnages (avec notamment le personnage d'Arlequin) vont finalement, sur cette île aux règles un peu spéciales, nous apporter quelques leçons de vie sans aucune prétention. Un bon livre à lire!
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Après avoir lu le jeu de l'amour et du hasard, qui m'avait franchement plu (voir ma critique) j'ai souhaité continuer avec celui-ci. Iphicrate et son valet Arlequin, Euphrosine et sa servante Cléanthis se retrouvent sur une île où les règles changent, où les rôles s'échangent : les valets prennent la place des maîtres.
Cette comédie est très courte, je l'ai lue en à peine une demi-heure. Comme dans "Le jeu de l'amour et du hasard", on jette le superflu, on va au plus efficace. On ne s'embarrasse pas d'expliquer le contexte : quelle est cette mystérieuse île ?
La pièce se révèle donc vraiment concise et agréable à lire. Il y a des scènes réellement drôles mais il y a derrière une vraie réflexion. Les maîtres ne devraient-ils pas faire un peu plus de cas de leurs valets ? Toujours sur un ton léger et avec humour, évidemment. On assiste a des scènes cocasses lorsque les valets tentent de "jouer aux nobles".
Ce que j'apprécie particulièrement dans les deux oeuvres de Marivaux que j'ai pu lire c'est la modernité, la fraîcheur. Il y a une volonté de remuer, de questionner les classes et l'ordre établi. Il y a peu de personnages, on se concentre vraiment sur l'essentiel. Cependant la fin me laisse presque sur ma faim (haha) : c'est si court ! Et puis je la trouve un tantinet caricaturale, pleine d'effusions mais au final je pense que c'était la meilleure manière de conclure brièvement. Il est vrai que l'oeuvre m'a laissé un goût de trop peu, j'aurais bien aimé approfondir plus la réflexion au travers de cette île utopique. Quoi qu'il en soit au moins c'est très facile à lire, et ça on apprécie !
Encore un bon point de marqué pour Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, je commence vraiment à aimer ces pièces toujours drôles, de bon ton et menées avec brio.
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Quand un maître se voit contraint de devenir l'esclave de son esclave, ça ne se passe pas sans anicroches …
C'est ce que vont réaliser deux duos maître/esclave, l'un féminin, l'autre masculin. Après avoir échappé à un naufrage, ils échouent sur cette île régie par des lois très particulières. L'heure de la revanche des esclaves aurait-elle sonné ?
Marivaux ne remet pas radicalement en cause les classes sociales mais en inversant les rapports de force et en donnant le pouvoir aux serviteurs, il égratigne vertement les codes de la noblesse et de l'aristocratie. Sans doute souhaite-t-il leur ouvrir les yeux sur leur comportement.
Je me demande comment cette pièce a été perçue quand elle a été jouée pour la première fois en 1725. Certains ont dû grincer des dents. La bonne société tournée en ridicule par les domestiques, pour l'époque, il fallait tout de même oser.
En bref, c'est un bon divertissement mais qui aurait cependant mérité d'être un peu plus étoffé. L'évolution des personnages est en effet parfois si abrupte qu'elle perd en vraisemblance. Il y a bien sûr quelques répliques savoureuses, notamment d'Arlequin, l'ex-serviteur devenu maître. (Un sacré loustic cet Arlequin, soit dit en passant.) La scène où les deux serviteurs tentent d'imiter le marivaudage de leurs maîtres (ex-maîtres !) est également assez cocasse. Mais je m'attendais à quelque chose de plus subversif, plus caustique et sans doute moins utopique. Cela étant, le message est noble, si je puis dire. Au-delà des pointes d'ironie, c'est finalement une belle leçon de vie que nous offre Marivaux.
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Cette comédie de Marivaux se lit avec une rapidité incroyable tellement elle est amusante.

Iphicrate et son esclave Arlequin font naufrage sur l'île des esclaves. le maître souhaite retrouver son équipage mais Arlequin connaissant l'île se réjouit de la situation et décide de ne plus être son esclave. Iphicrate le menace de son épée mais le chef de l'île, Trivelin, arrive à temps et impose les lois sur son île. Iphicrate sera dorénavant l'esclave d'Arlequin et il devra porter son nom et ses habits. Ils font la rencontre de deux autres personnages : Euphrosine et Cléanthis qui sont dans la même situation qu'eux.
Trivelin demande à Cléanthis de faire le portrait de sa maîtresse et cette dernière doit reconnaître que c'est bien ce qu'elle est si elle veut en finir avec son rôle d'esclave. Puis viendra le tour d'Arlequin de faire de même avec son maître.
Mais les maîtres ont du mal à reconnaître leur façon d'être…

La comédie est jouée entre cinq personnages principaux :
Trivelin est le chef de l'île des esclaves, il est là pour faire respecter la loi sur son île à savoir inverser les rôles entre maîtres et esclaves.
Euphrosine et son esclave Cléanthis ainsi que Iphicrate et son esclave Arlequin.
Arrivés sur l'île, les rôles des personnages s'inversent et les esclaves deviennent les maîtres et sont libres de faire subir à leurs anciens maîtres ce qu'ils veulent afin de leur faire comprendre le mal qu'ils font à leurs esclaves. le but étant de les guérir de leur folie et surtout de les faire changer.
Avec beaucoup d'humour, Marivaux arrive à faire évoluer ses personnages et se moque ouvertement de la noblesse et de leur manière très déplace envers le petit peuple.

La finalité de cette comédie est assez stupéfiante mais c'est le propre d'une comédie.
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Citations et extraits (108) Voir plus Ajouter une citation
TRIVELIN : Quand nos pères, irrités de la cruauté de leurs maîtres, quittèrent la Grèce et vinrent s'établir ici, dans le ressentiment des outrages qu'ils avaient reçus de leurs patrons, la première loi qu'ils y firent fut d'ôter la vie à tous les maîtres que le hasard ou le naufrage conduirait dans leur île, et conséquemment de rendre la liberté à tous les esclaves : la vengeance avait dicté cette loi ; vingt ans après la raison l'abolit, et en dicta une plus douce. Nous ne nous vengeons plus de vous, nous vous corrigeons ; ce n'est plus votre vie que nous poursuivons, c'est la barbarie de vos cœurs que nous voulons détruire ; nous vous jetons dans l'esclavage pour vous rendre sensibles aux maux qu'on y éprouve ; nous vous humilions, afin que, nous trouvant superbes, vous vous reprochiez de l'avoir été. Votre esclavage, ou plutôt votre cours d'humanité, dure trois ans, au bout desquels on vous renvoie, si vos maîtres sont contents de vos progrès ; et si vous ne devenez pas meilleurs, nous vous retenons par charité pour les nouveaux malheureux que vous iriez faire encore ailleurs ; et par bonté pour vous, nous vous marions avec une de nos citoyennes. Ce sont là nos lois à cet égard, mettez à profit leur rigueur salutaire. Remerciez le sort qui vous conduit ici ; il vous remet en nos mains durs, injustes et superbes ; vous voilà en mauvais état, nous entreprenons de vous guérir ; vous êtes moins nos esclaves que nos malades, et nous ne prenons que trois ans pour vous rendre sains ; c'est-à-dire, humains, raisonnables et généreux pour toute votre vie.

Scène 2.
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CLÉANTHIS :
Ah ! vraiment, nous y voilà, avec vos beaux exemples. Voilà de nos gens qui nous méprisent dans le monde, qui font les fiers, qui nous maltraitent, qui nous regardent comme des vers de terre, et puis, qui sont trop heureux dans l'occasion de nous trouver cent fois plus honnêtes gens qu'eux. Fi ! que cela est vilain, de n'avoir eu pour tout mérite que de l'or, de l'argent et des dignités ! C'était bien la peine de faire tant les glorieux ! Où en seriez-vous aujourd'hui, si nous n'avions pas d'autre mérite que cela pour vous ? Voyons, ne seriez-vous pas bien attrapés ? Il s'agit de vous pardonner, et pour avoir cette bonté-là, que faut-il être, s'il vous plaît ? Riche ? non ; noble ? non ; grand seigneur ? point du tout. Vous étiez tout cela ; en valiez-vous mieux ? Et que faut-il donc ? Ah ! nous y voici. Il faut avoir le cœur bon, de la vertu et de la raison ; voilà ce qu'il faut, voilà ce qui est estimable, ce qui distingue, ce qui fait qu'un homme est plus qu'un autres. Entendez-vous, Messieurs les honnêtes gens du monde ? Voilà avec quoi l'on donne les beaux exemples que vous demandez, et qui vous passent : et à qui les demandez-vous ? À de pauvres gens que vous avez toujours offensés, maltraités, accablés, tout riches que vous êtes, et qui ont aujourd'hui pitié de vous, tout pauvres qu'ils sont. Estimez-vous à cette heure, faites les superbes, vous aurez bonne grâce ! Allez, vous devriez rougir de honte.
ARLEQUIN :
Allons, ma mie, soyons bonnes gens sans le reprocher, faisons du bien sans dire d'injures. Ils sont contrits d'avoir été méchants, cela fait qu'ils nous valent bien ; car quand on se repent, on est bon.
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Dans le pays d'Athènes j'étais ton esclave, tu me traitais comme un pauvre animal, et tu disais que cela était juste, parce que tu étais le plus fort. Eh bien ! Iphicrate, tu vas trouver ici plus fort que toi ; on va te faire esclave à ton tour ; on te dira aussi que cela est juste, et nous verrons ce que tu penseras de cette justice-là ;
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Quand tu auras souffert, tu seras plus raisonnable ; tu sauras mieux ce qu'il est permis de faire souffrir aux autres.
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Iphicrate - Méconnais tu ton maitre, et n'es tu plus mon esclave?
Arlequin, se reculant d'un air sérieux - Je l'ai été, je le confesse à ta honte; mais va, je te le pardonne: les hommes ne valent rien. Dans le pays d'Athènes j'étais ton esclave, tu me traitais comme un pauvre animal, et tu disais que cela était juste, parce que tu étais le plus fort: eh bien, Iphicrate, tu vas trouver ici plus fort que toi; on va te faire esclave à ton tour; on te dira aussi que cela est juste, et nous verrons ce que tu penseras de cette justice là, tu m'en diras ton sentiment, je t'attends là. Quand tu auras souffert, tu seras plus raisonnable, tu sauras mieux ce qu'il est permis de faire souffrir aux autres. Tout en irait mieux dans le monde, si ceux qui te ressemblent recevaient la même leçon que toi.
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