George Greenstein

Le trou noir engloutit tout ce qu'il touche.Supposez qu'un trou noir de 30 centimètres de diamètre ait pénétré dans ma chambre et soit en train de flotter là, devant moi. Un trou de cette taille aurait été produit par un objet beaucoup moins massif que le soleil, mais malgré tout assez gros :il serait 18 fois plus massif que la terre.Je ne peux le voir.Tout ce que je vois, c'est un disque de 30 centimètres de diamètre, complètement noir, qui se profile sur le mur du fond, avec tout autour, l'image du mur lui-même, complètement déformé.
Dans ma main, j'ai un bâton d'1 mètre de long. J'avance prudemment le bras et j'effleure le trou avec l’extrémité du bâton. Il m'est arraché de la main,puis est totalement aspiré. Le trou a 30 centimètres de diamètre, le bâton mesure 1 mètre...et le bâton est à l'intérieur du trou. Il a été contracté pour pouvoir entrer dedans.
Je pousse un sofa vers ces ténèbres suspendues. Il se froisse comme une feuille de papier et disparaît de ma vue. Il y a à côté de moi tout un tas d'ordure nauséabondes, des pelures d'oranges, du marc de café.Tout cela entre dans le trou. Même les odeurs sont absorbées.
Je lance une grenade dans le trou. Je n'entends aucune explosion;aucune pluie d'éclats mortels ne me traverse le corps.Le trou ne frémit même pas lorsque la grenade explose.Il a contenu l'explosion.Il l'aurait également contenue si,à la place de la grenade,j'avais lancé une bombe à hydrogène.
Il n'y a pas que des objets dans ma chambre. Quelle est la force que ce trou exerce sur moi?Je me suis tenu à bonne distance de lui.Comme je n'ai aucune envie de me retrouver éclaté en mille morceaux sur une planète invisible 18 fois plus lourde que la terre,je me suis bien gardé de toucher sa frontière.Mais il m'attire,et, bien que cette attraction ne puisse être infinie,elle reste malgré tout considérable.Combien vaut-elle?
Elle s'élève à 5 000 000 000 000 000 de kilos.
C'est la catastrophe.Je perds brusquement l'équilibre et je plonge tête la première dans le trou noir.Dans mon vol plané,je m'agrippe désespérément à un bouton de porte,mais il m'est arraché des mains.La table près de moi se met elle aussi à plonger sur le côté.La porte est arrachée de ses gonds et suit le mouvement.Un grondement continu,un hurlement strident, provient de la fenêtre: c'est l'air,l'atmosphère de la Terre, qui s’engouffre dans la pièce, violemment aspiré. Sur les bords du trou,l'air est chauffé à blanc par le frottement et la compression.Le plafond s'écroule sur moi. Les murs s'effondrent. Le sol se soulève,vole en éclats,pulvérisé en un geyser de poutres et de briques. L'arbre,devant la fenêtre,plie et craque comme une brindille.Il s'abat avec violence,se fracasse contre les briques et la charpente,et tout se précipite dans le néant.
Ce trou se trouve quelque part sur la côte Est des Etats-Unis.A 5000 kilomètres de là, vers l'ouest,l'océan pacifique roule ses vagues sur la côte californienne.Lui aussi est attiré par le trou;il se soulève en un gigantesque raz de marée,le plus grand que l'on n'ait jamais connu. Los Angeles est submergé par cet océan qui déferle vers l'est,car ce n'est pas une partie seulement de l'océan,une vague,mais l'océan tout entier qui se vide jusqu'à la dernière goutte. Les eaux s'accélèrent dans leur chute horizontale;en quelques secondes,elle atteignent une centaine de kilomètres à l'heure en un grondement assourdissant. Los Angeles est détruite.,mais pas seulement par l'océan.Les gens marchant dans les rues sont propulsés vers l'est avec une force de plusieurs milliers de kilos.Les gratte-ciel s'effondrent. Au dessous d'eux,le sol - la roche, la terre,les cailloux,le manteau de la Terre - ,tout se retrouve arraché et plonge dramatiquement vers le trou noir. La planète terre tout entière est absorbée par le trou noir...Elle a disparu. La terre vient d'être annihilée par une sphère de 30 centimètres de néant

Richard se réveilla quand il entendit Kahlan revenir et jeter un peu de bois dans le feu. Une lumière rose commençait à couronner les montagnes, les nuages noirs faisant une toile de fond parfaites aux pics enneigés. Les yeux grands ouverts, étendu sur le dos, Zedd ronflait comme un sonneur. Richard se frotta les yeux et bâilla à s'en décrocher la mâchoire.