Pour ce qui est de l'impureté, du réalisme envahissant, le langage est entièrement vulnérable. L'immaculée est impossible. [...] Le langage est démesurément saturé. Les mots, les formes grammaticales, les phrases, les conventions rhétoriques sont saturés, quasiment jusqu'au phonème, par l'usage, les précédents et les connotations socioculturelles. [...] Un maître du langage peut imprimer au médium une énergie propre à lui faire accomplir un saut quantique. Mais la nouvelle orbite grouille, à son tour, d'associations, qui ne sont pas de son choix. Que « le monde soit en excès pour le poète » n'est pas tant le fruit des tentations mondaines, de l'auto-investissement dans le transitoire et l'opportun. C'est un corollaire totalement inévitable du langage lui-même, qui charrie avec lui, que nous le voulions ou non, la cargaison qu'est le monde. Dans le langage, les mathématiques pures ne pourraient être que silence.