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Citation de 008micado


Armé de mes quelques connaissances et fort de toute mon angoisse, je reçus un homme d’une quarantaine d’années dont le dossier médical me disait qu’il était en placement d’office pour une bagarre dans un bureau de poste. Il croyait que tous les fonctionnaires lui en voulaient (il était fonctionnaire), qu’ils s’étaient ligués contre lui pour le faire muter, et s’en était pris violemment à un policier, ce qui l’avait conduit à l’hôpital. Aux premières questions que je posai en français, je n’eus aucune réponse; le patient restait figé sur sa chaise, lointain et tendu. Je m’adressai alors à lui en arabe, cherchant le mot juste, dans mon ignorance d’un entretien thérapeutique, dans ma langue maternelle. C’était la première fois que j’utilisais l’arabe pour m’adresser à un patient. A ma grande surprise, il me parla, mais en français, un français approximatif, mal¬ habile et insuffisant pour mener une discussion.
Que s’était-il passé pour que, soudain, le patient me réponde, et en français? Plusieurs réponses sont possibles : en me défaisant de ma langue « scientifique » (le français) et de son aspect rassurant, défensif, j’apparais plus vulnérable et plus proche, je lui parle l’arabe et, de ce fait, me dévoile encore plus à lui. La surprise créée par ce changement de langue intervient comme une interprétation, comme une intrusion dans son monde. Sa réponse en français, en miroir, est une manière d’accepter ma présence et d’entamer le dialogue, mais aussi de continuer à se protéger car, en parlant français de manière approximative, il s’engage moins qu’en arabe.
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