Les voitures étaient arrêtées. tout le monde en descendait. Les phares éclairaient la rivière qui était vraiment fascinante, avec son flot brun qui courait vertigineusement à la hauteur où l'on voyait d'habitude le toit des automobiles.
Quelqu'un dit à Donald :
-- Vous assistez à un des rites de la vallée.
C'était exact. Dès que les eaux étaient grosses, on était sûr de rencontrer les gens de la vallée quatre ou cinq fois par jour à cet endroit. Certains y revenaient à onze heures du soir ou à minuit, avant de se coucher. Pas dans l'espoir de passer, mais pour voir, simplement.
Raoul, le chef cow-boy de Pemberton, était là aussi, sous un arbre, avec son cheval blanc qui se tenait immobile dans la pénombre. Raoul était venu voir comme les autres. Il y avait peut-être une heure qu'il était là, à regarder l'eau charrier des branches et des troncs d'arbres.
On parlait de la rivière, c'était inévitable. toujours les mêmes histoires.
[Georges SIMENON, "Le fond de la bouteille", Presses de la Cité, 1949 : édition de poche "Presses Pocket", page 111]