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Citation de ChouettedeMinerve


Mon interrogatoire se déroula donc, moitié en allemand, moitié en français. L'allemand criait ; il était si sûr de son fait que mes propos, au fond, devaient peu l'intéresser. Il me posa rapidement la question attendue : "Etes-vous juive ?" Ou plutôt il hurla : "Vous êtes juive." Je jurai que j'étais catholique, ce qui était vrai, que personne de ma famille n'était juif, ce qui était faux. L'allemand constata : "Vous dites que vous n'êtes pas juive, votre grand-mère dit qu'elle n'est pas juive, vos amis savent bien que vous êtes juifs, les... le savent bien." Et il me cita le nom du médecin juif dont ma mère contribuait au ravitaillement.
J'ai répondu : "Nous ne sommes pas juives." L'allemand m'a demandé : "Où votre mère a-t-elle eu ses laissez-passer ?" Je n'ai pas hésité un instant : " A la Kommandantur de la rue Galilée. " Je ne connaissais pas l'existence d'autre Kommandantur où l'on délivrait les Ausweiss, la capitale, en fait, en comptait plusieurs. Cette réponse m'est venue automatiquement. Faut-il y voir un effet du hasard, du calcul des probabilités ou une manifestation de la Providence, je ne puis en trancher, mais ma mère, à la même question, avait répondu comme moi, sans plus d'hésitation.
Or nous ignorions tout de l'origine de ces papiers et depuis que l'on nous avait arrêtées la crainte que ce soient des faux ne pouvait pas ne pas nous avoir envahies. Ma grand-mère n'avait pas eu à répondre à la question car cette maîtresse femme, d'une intelligence assez exceptionnelle et d'une grande vivacité d'esprit, avait décidé, dès l'instant où elle avait été séparée de nous, de tirer parti de son âge. Elle jouait les vieillards séniles, elle ne comprenait rien à ce qu'on lui demandait. Les allemands ont donc renoncé très vite à l'interroger. Ils ne lui ont pas affirmé comme à ma mère et à moi que certains de nos amis - et ils ont toujours cité un seul et même nom - savaient que nous étions juives.

P65 à 67 de l'édition Fayard.
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