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Citation de ChouettedeMinerve


J'évoque ma soeur. Sans doute n'avons-nous jamais été aussi proches qu'en cette période. ses amis et elle venaient assez souvent le dimanche à Saint-Martin-en-Haut. On y ignorait les privations matérielles. A Lyon, on avait faim. Ma soeur n'a pas appartenu à un réseau de Résistance. Ce n'était certes pas de la lâcheté chez elle : elle prenait tout autant de risques que ses amis, presque tous résistants ; elle les hébergeait dans sa chambre, recevait en dépôt leurs papiers compromettants. Ma mère aussi a dissimulé parfois sous son matelas des lots de fausses cartes d'identités. Je me disais : elle est folle ! L'attitude de ma soeur tenait à la certitude que terminer ses études de médecine était plus utile pour la collectivité. C'est tout au moins ce que j'ai retenu d'une conversation entendue par hasard entre elle et le fils de ma marraine, sorti de prison et venu au cours d'une mission de Résistance faire une courte halte à Saint-Martin-en-Haut. C'était en 1943 puisqu'il fut arrêté peu après. Je ne comprenais pas la position de ma soeur. Je rêvais d'aventures héroïques dont naturellement je serais l'héroïne et mes rêves se terminaient toujours par une rencontre avec de Gaulle. " Quand de Gaulle sera là, je n'aurai plus peur" : à vrai dire, au fond de moi-même, j'étais bien contente que mon âge - quatorze ou quinze ans - me donne un prétexte de ne pas participer à une action clandestine. Rien ne me prouve que, plus âgée, j'aurais eu le courage de prendre part à la Résistance. Rien ne me prouve non plus que je ne l'aurais pas eu. En tout cas, les amis et amies et ma soeur me fascinaient et me terrifiaient. Un jour, l'une d'elles, la fille d'un artisan de Voiron, déjeune avec nous dans un restaurant de Lyon. Ma mère l'invite à Saint-Martin-en-Haut. Elle refuse : il lui faut porter des indicatifs de parachutage. Ce doit être en 1944. Un officier allemand, à la table voisine, hausse les épaules. Il trouve visiblement ses propos ridicules : ils étaient conforme à la vérité. J'étais terrifiée.

P148 à 150 de l'édition Fayard.
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