Georgiana Colville

À l'origine, dans la nuit des temps, la peinture était magique ; elle détenait la clé de l'invisible. À cette époque-là, la valeur d'une œuvre dépendait de son pouvoir d'évocation, pouvoir inaccessible au seul talent.
Tel le shaman, la sibylle ou le sorcier, le peintre devait se faire humble, afin de pouvoir assister à l'apparition des esprits et des formes.
Aujourd'hui, nos vivons à un rythme qui nie le principe primordial de la peinture; conçu dans la contemplation, le contenu émotif d'un tableau ne peut-être perçu en dehors de la contemplation.
L'invisible nous parle et l'univers qu'il décrit prend la forme d'apparitions; il éveille en chacun de nous la nostalgie du merveilleux, et nous en montre le chemin, celui de la grande conquête de l'enfance et qui se perd lorsqu'on nous impose un système d'éducation rationnelle.
Peut-être aurons-nous déjà vu la Cité d'Emeraude dans quelque rêve lointain provenant de la réserve émotionnelle commune à tous les êtres humains.En entrant par la porte des Sept Couleurs, nous voyageons le long de l'Arc-en-Ciel.
Mexico, 1951
Alice Rahon
(Texte pour le catalogue de son exposition à la Willard Gallery, New-York 4_28 décembre 1951)

La Sauterelle Arthritique (Gisèle Prassinos)
Avec une préface de Paul Eluard et une photographie par Man Ray G.L.M. 1935

J'ai cherché partout un lieu de repos
pourquoi pas
Sans même attraper un rond sur la peau
que non pas
J’ai trouvé un rail avec du goudron
il faut le dire
Ma fleur a perdu son premier bouton
mais en rire
J’ai piqué une vache avec bonbon
pas pour ça
Dit que c’est une blouse de papier marron
j’en ai pas
J'ai craché de l'encre dans la poêle à frire
si mon coeur
Tout en dégustant de la gomme à écrire
quelle douleur
J’ai mangé du son qu’avait la rougeole
sans crier
Puis l’estomac gros j’ai bourré ma pipe
ton soulier est détaché

On m'a affirmé qu'autant d'hommes surréalistes que de femmes sont tombés dans l'oubli et je soutiens que cet argument est faux. Si l'on consulte divers ouvrages de base sur le surréalisme, les statistiques sont criantes. Maurice Nadeau ne mentionne pour ainsi dire aucune femme, sauf Remedios Varo et Gala (comme sujet d'un poème de Dali) (...)
Dans la foulée de la fête collective des centenaires d'André Breton et d'autres grands hommes, ce livre s'en distancie toutefois, afin de proclamer sa propre célébration individuelle, conformément à la situation des femmes surréalistes. Il est le premier à réunir des textes représentatifs (dépassant de loin la formule des petits extraits, dont se composent tant d'anthologies) de vingt-quatre femmes autour du surréalisme, de 1920 à nos jours, illustrés d'oeuvres plastiques de seize de ces mêmes femmes et de dix autres artistes non-écrivains. Ces chiffres soulignent l'aspect interdisciplinaire de la contribution des femmes au surréalisme et l'hybridité de leur production. (...)
On me demande souvent qui sont /étaient les "femmes surréalistes". Ont-elles vraiment existé? Pierre Reverdy, le poète de l'image révéré par Breton et ses amis, réduit le féminin dans son oeuvre à une série de traces, d'indices d'une absence, qu'il inscrit dans un poème des Ardoises du toit: "Mais où sont-elles?"
En ce qui concerne les femmes écrivains et artistes autour du surréalisme, la réponse est simple: les voici.