Citations de Gérald Neveu (30)
L’amour existe et parce qu’il existe, je le trouverai.
Rêver, c'est informer l'avenir.
Je ne meurs pas pour une noble cause
Et tous les diables et toutes les fables
N’ont pas sourire plus inhumain
Que cette volée de ciel noir
À travers ma figure
Je ne meurs pas pour une noble cause
Une belle plaie de mercurochrome
Contre le mur
Comme un faux incendie
Comme une bouche qui ne vient pas à terme
Allez, va ! Gentils lapidaires !
Vous ne lapiderez de vos diamants et saphirs
Que les angles jaunes
Où vous vous abritez
Je ne meurs pas pour une noble cause
Je vous l’ai déjà dit
Car il pleut très souvent
Et je n’ai d’autre protection
Que la grimace des faux-jours
Où il faut bien que je reconnaisse
Un terrible sourire
Plus doux que l’infini des verres d’alcool
Plus chauds que ma tête
Roulant dans des abîmes tapissés de tessons
Je ne meurs pas pour une noble cause
Et vous souriez de pitié
Du fond de la grimace universelle.
1948
…
Aux viandes précises
il faut livrer le vent
et sa petite chemise brodée
Dans la nuit de la nuit
faire pousser une autre nuit
à grands coups de tête.
La poésie c'est la vitesse, le temps contracté ; la confusion apparente des plans, les rapprochements inattendus, les lèvres dans le cœur. La poésie est la restitution de l’inconcevable au concevable, de l’absurde à la raison, de la passion aux sentiments sans perte d’énergie.
RAISON SOCIALE
Je vis de peu. J’entends tinter des pierres dans ma
tête. On vient me visiter — un peu pour entendre ce bruit
et pour m’aider à fabriquer de la mousse. Je suis très bien
comme cela. Il paraît que ça me va à merveille. Il ne
me manque qu’un joyeux scorpion sur la bouche. J’en-
tends au loin mes amis qui m’appellent. Ils ont des voix
attendrissantes. Ils m’exhortent à m’échapper. C’est gen-
til. Ça réconforte. D’ailleurs ils ignorent totalement que
je suis dans un pavé. C’est mieux ainsi, leur mauvais sang
tournerait à l’aigre.
C’est drôle comme le centre du cyclone est calme,
immobile, champêtre... On se croirait presque en sécu-
rité, n’était-ce un méchant ver de terre dans la poitrine
qui fait : zhm... zhm... en brodant par-ci par-là dans la
viande spéculative. On pourrait aussi trouver à redire
à l’arc électrique qui fonctionne obstinément d’une tempe
à l’autre. Mais à part ça...
Je ne meurs pas pour une noble cause
Et tous les diables et toutes les fables
N’ont pas sourire plus inhumain
Que cette volée de ciel noir
À travers ma figure
Je ne meurs pas pour une noble cause
Une belle plaie de mercurochrome
Contre le mur
Comme un faux incendie
Comme une bouche qui ne vient pas à terme
Allez, va ! Gentils lapidaires !
Vous ne lapiderez de vos diamants et saphirs
Que les angles jaunes
Où vous vous abritez
Je ne meurs pas pour une noble cause
Je vous l’ai déjà dit
Car il pleut très souvent
Et je n’ai d’autre protection
Que la grimace des faux-jours
Où il faut bien que je reconnaisse
Un terrible sourire
Plus doux que l’infini des verres d’alcool
Plus chauds que ma tête
Roulant dans des abîmes tapissés de tessons
Je ne meurs pas pour une noble cause
Et vous souriez de pitié
Du fond de la grimace universelle.
1948.
La poésie, c'est partir de soi pour faire rentrer les autres.
Quelque part
Il est à genoux
pour qu’on ne le voie pas
Il est à genoux
une étoile sur chaque plaie
Sa voix se confond enfin
avec le ciel
un pauvre petit ciel
de ce monde
Il est à genoux dans le monde
près d’une table de cuisine
Quand vient la nuit il passe outre
DU MÊME CÔTÉ
Dire ce qu’on dit chaque jour
les yeux fermés les yeux ouverts
Dire l’écharpe nouée dans l’air
la patience enfin mariée
enfin couverte d’agrafes
Son ombre changée en rosée
sa blessure dans tous les cœurs
comme un repas en plein azur
Une fleur terrasse le vent
Voici les murs rendus au plaisir
la lune ouverte à tout venant
le sable coulant des doigts
jusqu’au nadir
L’âme blonde du temps
dans sa cage du temps des galères
la tresser doucement sous l’eau
Je sais un être
une corne d’élégance
aux habitudes de fraîcheur
incendiant les doigts du feu
à même le silence
Le geste illuminé
par des rampes sourdes et fixes
libère un cheval de duvet
qui rencontrera le bonheur.
3 mai 1948.
Tu mords à longs filaments de mer
à reculons dans ta cruelle déraison
et je te parle
dressé comme l'ombre!...
Je te suis- sais-tu?- ce caillou fracassé
miroir multiple exaspéré
Je te suis cet orgueil plein de silex
et de départ
Je suis ce feu perdu où tu te réalises
Midi
extrait 5
Le dessin était pur qui verrouillait
l’espace !
Nids blancs à fond de ciel
Mains de bois dur sans espérance
C’est midi qui se ferme
comme un objet.
Midi
extrait 4
Et que s’écrase la pleine candeur
à rendre sourd
à pleines forces contre tout
Tu tends les mains au plus
lointain du feu
Ta voix circule dans la pierre
Quelle chanson désormais pour
noyer le soleil ?
Non ! Rien !
Tout au plus au petit jour
une hâte lasse et
‒ barrant le visage ‒
l’ancien supplice désamorcé
Midi
extrait 3
Lève ton cœur comme vipère
ma petite tuile d’orgueil…
On écoute tourner le vin
noircir le sang
changer le sable
On écoute pourrir
comme une musique de terre
quelqu’un de seul
Midi
extrait 2
Les portes battues parlent d’or
Le vent durcit en coquillage
Descends ‒ tu le peux –
de ton chariot de victoire
pour un triomphe plus amer
pour une marche plus charnelle
Midi
extrait 1
Il est tombé ‒ dit-on –
plume noire et plume blanche
sa soif traînant
en immense branchage
et donnez-moi ‒ dit-on – ce sourire
et ce géranium !
Plus de cheveux
Plus de dents (2° incisive à droite)
Plus d’argent
Plus de femme
Plus d’appartement
Plus de temps
Plus de feu
Plus de poids
Bilan du 28 février 1960.
plus de signature
Midi
…
On écoute tourner le vin
noircir le sang
changer le sable
on écoute pourrir
comme une musique de terre
quelqu’un de seul
et que s’écrase à pleine candeur
à rendre sourd
à pleines forces contre tout
tu tends les mains au plus
lointain du feu
Ta voix circule dans la pierre
Quelle boisson désormais pour
noyer le soleil ?
Non ! Rien !
Tout au plus au petit jour
une hâte lasse et
‒ barrant le visage ‒
l’ancien supplice désamorcé…
La rue
Ma rue imite ton sourire
Ma rue a des sœurs innombrables
J’y vois des hommes qui sont frères
la défendre jusqu’à la mort
et je vais parmi eux
faire comme eux.
LE PLUS BEAU JOUR
S’il pouvait faire un temps à mettre un chien dehors
Si je pouvais avoir un cœur à fendre pierre
Si l’amour devenait plus lâche que la mort
Si nous étions des morts pour parler de la vie
Si nous étions heureux pour ne plus rien nous dire
Si nous étions vivants pour pouvoir nous aimer
Si le monde n’était pas fait pour le refaire
Si tu n’existais pas pour pouvoir t’inventer.
extrait de « C'était hier et c'est demain », éd. Seghers, 2004