Je ne meurs pas pour une noble cause
Et tous les diables et toutes les fables
N’ont pas sourire plus inhumain
Que cette volée de ciel noir
À travers ma figure
Je ne meurs pas pour une noble cause
Une belle plaie de mercurochrome
Contre le mur
Comme un faux incendie
Comme une bouche qui ne vient pas à terme
Allez, va ! Gentils lapidaires !
Vous ne lapiderez de vos diamants et saphirs
Que les angles jaunes
Où vous vous abritez
Je ne meurs pas pour une noble cause
Je vous l’ai déjà dit
Car il pleut très souvent
Et je n’ai d’autre protection
Que la grimace des faux-jours
Où il faut bien que je reconnaisse
Un terrible sourire
Plus doux que l’infini des verres d’alcool
Plus chauds que ma tête
Roulant dans des abîmes tapissés de tessons
Je ne meurs pas pour une noble cause
Et vous souriez de pitié
Du fond de la grimace universelle.
1948.
QUELQUES PAS ENCORE
Lorsque j’aurai ouvert toutes mes forces
À battant écumeux
Quelqu’un passera
Dans la rue verte et pauvre
La rue dont les cils sont des cris.
Place au froid de l’été !
Des bûches éclatantes
Parfument
Les rayons fuyant de la nuit
Jusqu’au silence.
La main étroite et forte
Passe sous les fenêtres
Passe sans saluer.
La tige du sommeil
Transperce les visages
Les grands visages bleuis par la course
Et que l’on reconnaît soudain
Dans les puits solitaires.
Craquez, crachez
Longs feux de dédain !
Une parole sera dite
Où l’on reconnaîtra
L’homme incertain et triomphant
Comme une banderole,
Comme un printemps dur
À la salive bleue,
À la couronne sale et crépitante
De dangers.
Un homme descendra la rue glissante et noire,
À ciel ouvert.
Un homme écoutera passer
La tendresse
Dans ses poings fermés.
1948.
Gérald Nev eu - pour Yvette
texte © Gérald Neveu, tous droits réservés
(https://www.facebook.com/pg/poesie.gerald.neveu/)
musique, instruments, voix; montage vidéo © Franklin Hamon, tous droits réservés