Gérard Fournier

A Saint-Clair, petit hameau de la commune de Pierrefite-en-Cinglais, au coeur de la Suisse normande, un monument impressionnant borde une petite route de campagne qui conduit à Pont-d'Ouilly. En dehors des habitants de la commune, et de ceux des communes voisines qui ont un intérêt particulier à la suivre, rares sont les touristes qui l'empruntent. Encore plus rares sont ceux qui s' arrêtent quelques instants pour observer le monument, et lire le texte gravé au pied de la croix de Lorraine à la mémoire des cinq fusillés. Et pourtant, à cet endroit même, chaque année, au début de chaque mois de juillet, depuis 1947, des hommes et des femmes se rassemblent pour se souvenir, ensemble, de ces cinq compagnons de la Résistance, de leurs camarades et frères d'armes, de leur combat contre l'oppresseur qui les a tués.

Si les Normands gardent une profonde reconnaissance envers la 1e DB - il est vrai qu'ils étaient bien placés pour en apprécier la valeur pendant la bataille de Normandie - il semble que la communauté internationale ait quelque peu occulté le rôle important que les soldats polonais ont tenu dans la bataille finale livrée au IIIe Reich.

La Résistance, c'est une soif de justice. La Résistance, c'est le refus de toute oppression pour l'Homme et les nations. La Résistance, c'est une volonté de développer toujours plus de liberté et de dignité pour l'Homme, dans un cadre démocratique. La Résistance, c'est l'espérance active pour un monde plus juste. Voilà le souffle et la volonté qui anima la conscience et la vie des résistants du maquis de Saint-Clair et de tout résistant. Nous continuerons à construire l'avenir en nous souvenant du courage et du sacrifice de toutes ces femmes et de tous ces hommes.

C'est ainsi, la mémoire est fragile !
Alors, m'adressant aux petits-enfants et arrières-petits-enfants des immigrants des années 20 et 30, je vous dis: Ne perdez pas la mémoire de vos racines, et mieux, soyez-en fiers ! Elle en vaut la peine.
M'adressant aux élus, je formule ce voeu, qui, je l'espère, sera entendu: il nous faut conserver à Soumont-Potigny un lieu de mémoire pour que se perpétue le souvenir du travail de ces mineurs qui ont tant contribué à la richesse de notre pays.

Juste avant de quitter les lieux, les maquisards regardent en direction du nord, vers la côte. Le bombardement naval a commencé. Il est très exactement 5 heures 50. Le ciel est zébré de lueurs rouges. Le débarquement ! Les cinq hommes éprouvent une joie intense. Pendant quelques instants, l'émotion, trop forte, les empêche de parler. Reprenant ses esprits, André Le Nevez donne le signal du départ. Il faut rentrer maintenant, et vite.

Oui, le travail de mémoire doit se poursuivre à condition que le message universel, toujours d'actualité, délivré par celles et ceux de la Résistance continue à vivre dans les coeurs et dans les esprits.

La lutte n'était pas le choix de quelques esprits aventureux, ni l'accomplissement de quelque devoir pour des consciences exceptionnelles. Elle était simplement le réflexe naturel.
Quand le respect de la personne humaine, la foi en Dieu, la dignité de la famille et la liberté de conscience étaient battus par une conception destructrice du monde qui subordonnait tout à la puissance de l'Etat et trouvait sa source dans l'orgueil et dans la haine, les Français comprirent la nécessite vitale de se battre pour conserver leur civilisation.