Gérard de Wallens

Corot a enrichi l'impressionnisme malgré lui, à travers ses recherches autour de la lumière et de la spontanéité réaliste de l'exécution picturale. Mais privilégiant l'expression de l'imagination et de la sensibilité de l'artiste, il a un retentissement plus vaste sur le courant symboliste et même sur le cubisme. A partir de l'expérience néoclassique, il avait bâti une œuvre tellement variée qu'elle pouvait toucher des artistes aux préoccupations diverses.

"Je cherche à rendre le frémissement de la nature. je veux qu'en regardant ma toile, qui cependant ne bouge pas le spectateur ressente l'impression du mouvement des choses. "

Il avait pratiqué le portrait dès les débuts de sa carrière; il avait rodé, en Italie, l'étude en atelier d'après modèle. Au fur et à mesure que ses choix esthétiques se sont personnalisés, le rôle de la figure humaine est devenu de plis en plus important dans l'œuvre de Corot, concurrençant bientôt la pratique du paysage et donnant lieu à de véritables morceaux de bravoure picturale où l'artiste étudie une attitude, transmet un état d'âme.

Corot est tiraillé entre deux tentations : celles du réalisme, qui fut toujours sa priorité absolue, et cette nouvelle tentation poétique, qui combine mémoire et imagination.

Centrant de plus en plus son attention sur le recomposition imaginaire de la nature et sur l'observation attentive des relations entre la lumière et les volumes, Corot attache progressivement moins d'importance au thème qu'il illustre et à la représentation fidèle d'un lieu précis. Il s'intéresse davantage à la création d'univers poétiques, d'ambiances picturales évoquant presque l'abstraction musicale. Décrire une atmosphère devient le véritable sujet du tableau.

Il a acquis les deux principales qualités du paysagiste, la sincérité et le naturel. Il conserve cependant toujours l'idée initiale de son éducation classique: mettre à nu les structures internes d'un site, afin de le recréer dans sa peinture.

Ses nombreuses marines par leur spontanéité, leur réalisme et leur sens justement de la lumière, sont autant de prémonitions des œuvre d'Eugène Boudin, de Johann Barthold Jongking et même du Monet débutant des années 1860.

Corot peint dans cette région des paysages solides, réalistes, exécutés d'une touche épaisse, rugueuse et nerveuse, recherchant l'empâtement et l'effet de lumière. Il représente la nature pour elle même, par pur plaisir, même s'il compte réutiliser ensuite ses études dans de grandes compositions historiques.

"On n'a guère d'exemple [...] d'une existence aussi importante par la qualité et la fécondité de sa production et qui se soit déroulé dans un calme aussi dépourvu d'incidents".
Henri de Valencienne élabore une nouvelle théorie du paysage: à partir de sa seule imagination, le véritable paysagiste invente un univers naturel crédibles, l'étude en plein air qui lui permet de se constituer un répertoire visuel, prépare ainsi le travail de création effectué de mémoire en atelier.

Loin des coups d'éclats ou des évolutions fulgurantes, il est l'homme des maturations lentes et réfléchies. Son œuvre, qui abordera seulement trois ou quatre thème essentiels, sans cesse approfondis et enrichis par d'admirables variantes, reflète d'ailleurs assez ce trait de caractère.

L'enfance de Corot n'est pas celle d'une prodige, et son adolescence ne laisse apparaître aucune attirance artistique. Jusqu'à l'âge de 19 ans son amour pour la peinture et le dessin n'est pas exprimé.

Jugé tour à tour comme un précurseur de l'impressionnisme aux jeux raffinés entre la lumière et les brumes matinales, comme un romantique pour le lyrisme de ses paysages, comme un réaliste peignant la nature de plein air, et comme un néoclassique par sa formation, Corot est il en définitive le dernier des paysagistes classique ou le premier poète d'une nature aimé simplement pour elle même?