Dans les années 1940, nul ne connaissait le chauffage central à la campagne. Mais les paysans, depuis longtemps, avaient trouvé une énergie naturelle et gratuite pour moins souffrir du froid très rude dans leurs montagnes. En effet, souvent pour aboutir dans la pièce principale qui servait de cuisine et de salle à manger, il fallait d'abord passer par l'étable où vivaient les bêtes : vaches, veaux, lapins, cochons, chèvres et poules. Tout ce petit monde vivait en harmonie avec les êtres humains. Les vaches, cinq ou six, rien à voir avec les gros élevages de maintenant, étaient attachées à leur crèche pendant toute la durée de l'hiver et lâchées deux fois par jour pour aller boire à la rivière ou à l'abreuvoir. Ruminant inlassablement, elles vous regardaient approcher d'un air interrogateur lorsque vous ne faisiez pas partie de leurs familiers.
Après s'être délectées d'un bon chocolat où elles avaient trempé d'épaisses tartines de pain bis et de confiture maison, la grande sœur essaya de distraire Marie en jouant avec elle. Elle fabriqua un porte-monnaie avec une boîte de sucre en carton vide. L'enfant y rangea ses trésors : quelques images trouvées dans les rares tablettes de chocolat Pupier ou Favarger que la mère achetait de temps en temps, une médaille en fer blanc représentant la Vierge de Lourdes et deux ou trois petites pièces de monnaie de dix ou vingt centimes trouées en leur centre.