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4.75/5 (sur 4 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Fort-de-France, , le 19/10/1961
Biographie :

Gerry L’Etang, né le 19-10-1961 à Fort-de-France, est diplômé en lettres, linguistique et anthropologie. Il est actuellement maître de conférences en anthropologie à l’Université des Antilles et de la Guyane (Martinique) et chercheur au GEREC-F (devenu CRILLASH). Il est l’auteur de nombreux articles et de plusieurs ouvrages et directions d’ouvrages
Ses travaux portent sur la créolisation culturelle, les hindouismes diasporiques, l’Islam en Inde du sud, l’esthétique, l’addiction, Haïti. Il a récemment publié Drive : l’errance ensorcelée (HC Éditions, 2009), La peinture en Martinique (HC Éditions, 2007) et L’Inde dans les arts de la Guadeloupe et de la Martinique. Héritages et innovations (Ibis Rouge, 2004).

Source : http://www.potomitan.info/
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Citations et extraits (6) Ajouter une citation
Je n'ai jamais su de quel lieu précis venait la mère de ma mère. Tout ce que je sais, c'est qu'elle venait de l'Autre bord : de ce grand pays qu'on appelle l'Inde. Elle était de cette nation dont je suis le dernier ici à parler la langue. Un type de là-bas, de passage à la Martinique il y a longtemps, m'a dit que le pays de ces gens s'appelait Tamil Nadu. D'autres m'ont parlé de Pondichéry, Sennaï, Karaikal, Tindivanam ... tous ces noms qui habitent mes souvenirs pour les avoir entendus de la bouche des Anciens, nés là-bas, qui travaillèrent dans l'habitation. Mais pour moi, le plus important était de savoir que cet Autre bord, c'était l'Inde.
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A l'époque, la vie sur l'habitation était terrible. On avait menti aux Indiens en leur parlant de tâche facile, de sucre à sécher au soleil. Le sucre, c'était les Nègres qui le faisaient, à l'usine. Pour les Indiens, il n'y avait que la canne. Le travail de la canne était dur. Personne n'en voulait. Il éreintait les hommes, les asséchait, les laissait vides, désespérés.

Les Nègres avaient lutté pour en finir avec la canne. A l'abolition, certains étaient partis cultiver des jardins sur les mornes, travailler à l'usine, vivre dans les bourgs. Cependant, beaucoup n'avaient rien trouvé et la faim les avait ramenés sur les habitations. Mais ils étaient revenus différents. Ils revendiquaient, contestaient, réclamaient des journées moins longues, exigeant davantage d'argent. Alors on fit venir les Indiens pour remplacer les Nègres, casser leurs revendications et briser leurs rêves. Et les Békés purent continuer à exploiter la canne avec la souffrance des hommes. Après ça, les Nègres s'étaient mis à détester les Indiens, à les injurier, à les traiter de Kouli, d'esclaves. Les Indiens voulurent répondre, expliquer aux Nègres qu'ils avaient été enlevés, qu'on leur avait menti, mais ils ne purent le faire : ils ne parlaient pas la même langue.
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J'ai grandi dans une case de la Rue Kouli, le quartier des Indiens. C'était une case en bois, sans plancher, couverte de paille de canne. L'intérieur était divisé par un rideau cloué sur une poutre. Il y avait deux espaces distincts. Dans le premier, près de la porte, dormaient les enfants; l'autre était réservé aux parents. Je couchais sur un sac-guano, à même la terre. Les nuits d'hivernage, quand il faisait pluie, froid, je me glissais dedans. Mes parents, eux, dormaient sur des planches. Il n'y avait pas de meubles, sinon trois petits bancs en bois de manguier et un coffre dont le bois-caisse avait servi à conditionner de la morue salée. La cuisine, en bambou, était à l'extérieur, près d'un arbre.
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Ma mère me mit au monde le 2 janvier 1902, à cinq heures du matin. Ce jour-là, je criais comme un oiseau. Alors la Négresse qui avait accouché ma mère me surnomma Zwazo.
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Des rumeurs hallucinées hantaient les encoignures d’une cité frappée de blackout. Hommes et femmes en bleu de chauffe se débarrassaient de leurs uniformes et tentaient, nus, de fuir la souricière. Un tonton macoute que les clameurs de vengeance paniquaient, déféqua sur lui, courut se réfugier dans un tap-tap en panne, sortit de sa besace un short kaki chiffonné, l’ajusta à ses fesses. Une odeur de chair grillée mêlée de pneu fondu, émanant de brûlots tourbillonnants et hurleurs, empuantissait la pénombre.

Des manifestants entonnaient un cantique de défi : « 7 fevriye, avan solèy leve, peyi a libere ! » Au centre-ville, la foule scandait : « Grenadiers à l’assaut, sa ki mouri, zafè a yo ! » La brigade Zulia veillait. Les murs de la capitale s’ornaient de graffitis et d’irrévérencieuses affiches de Président-à-vie en folle à marier se suicidant d’une balle dans la tempe. La statue de l’amiral de la mer Océane était jetée à la mer, des peintres insoumis décoraient leurs toiles de pintades décapitées. Soixante-dix-sept mille ramiers traversaient les cieux noirs à rebours. Cheftaine de la milice, Dame Ernst Léonard, avait désapparu !

Doumie Granvent positionna durablement la molette de son transistor sur la fréquence de Radio Mapou. Entre deux sons vaudou, il s’y disait qu’une nonne accompagnée d’un général avait pénétré ce matin l’aéroport Maïs Gâté.

L’hôtesse de la Pan Am qui enregistrait les voyageurs en partance pour Miami ne distingua pas le visage de la femme, masqué par sa cornette, mais fut gênée par ses mains : des poignes d’homme, fortes, noueuses, sans grâce.

Après l’enregistrement, le général et la nonne se placèrent à l’écart, dans le salon d’honneur. L’officier, sous divers prétextes, éloignait systématiquement ceux qui approchaient la religieuse. Toujours escortée du militaire, elle fut amenée au pied de l’avion par un véhicule de soldatesque. Le général l’installa en première, alla discuter avec le commandant de bord et, juste avant la fermeture des portes, descendit rejoindre sa voiture sur la piste.

Peu après le décollage, l’hôtesse proposa du champagne. Quand la nonne leva la tête pour récupérer la coupe, l’hôtesse, ébaubie par ce qu’elle vit, s’effondra en bafouillant « Fi-Fi-Fillette Lalo ! ».

Un autre propos de Radio Mapou assurait que Dame Léonard se serait suicidée chez elle à Mirebalais, s’exécutant d’une balle d’or parce que insensible aux projectiles de plomb.

Un discours différent prétendait qu’elle arpentait désormais le boulevard Jean-Jacques-Dessalines, se cachant, fardée, perruquée, parmi les prostituées délaissées par leurs clients en ces temps insurrectionnels.

La disparition de cette compagne implacable du régime faisait parler, déparler, même si prononcer son nom favorisait la survenue des cyclones, désorientait les chauffeurs de gros camions. Seul l’oiseau bavard posé sur le palais national pouvait impunément fabuler sur son compte.
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Deux ou trois ans plus tard [mes grands-parents] eurent une fille. Ils lui choisirent un prénom hindou : Tangomen. Mais quand il fallu la déclarer à la mairie, l'employé répondit que cela n'était pas possible et lui trouva un prénom chrétien : Pauline. Pauline Carpaye. Mais dans l'habitation tout le monde continua à l'appeler Tangomen. C'était ma mère.
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