C'était donc une revanche que de jouer et chanter nous-mêmes, le soir, dès que nous sentions la fièvre refluer doucement et le cours du sang dans les veines se faire lent et bourbeux, battement d'eau morte contre la rive. Nous nous asseyions alors tous ensemble, en cercle sur le sol, avec un harmonica, une mandoline, et deux ou trois voix qui s'épuisaient à se poursuivre et à s'accorder, dans un effort presque déçu de l'atteindre et de le retenir, cet air évasif et ténu, qui, comme toute autre chose, se refusait à nous appartenir.