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Citations de Gesualdo Bufalino (20)


[Le pere Vittorio, l'aumonier militaire:]
Le péché : inventé par les hommes pour mériter la peine de vivre, pour ne pas être châtiés sans raison. [...] Je descends dans la salle commune, pour confesser les pauvres, les vieux. Je ne comprends pas leur jargon étriqué, mais je les absous quand même. Les pauvres, gibier de Dieu.
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il était nécessaire de mourir, dans l’histoire de chacun il y avait une trahison, un tranchet attisé par l’ail, et un pied sur la nuque. C’était comme si nous nous rendions dans un bois de chênes-lièges, la veste enroulée autour de notre bras, pour un duel campagnard inutile, éternel. Et nous ne verrions jamais notre ennemi en face, on nous prendrait à chaque fois par-derrière. La voix du vieux répétait dans l’ombre : « Ah, les destinées des hommes, une éponge mouillée les efface, comme une peinture ».
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C’était un petit village populeux et vivant, me sembla-t-il. Pauvre comme ceux de l’arrière-pays le plus profond, où le bandit Giuliano régnait de façon enfantine et farouche, mais non pas triste, à en juger d’après les maisons peintes au bleu de méthylène, qui arboraient toutes une pergola de jasmin odorant autour de leurs misérables entrées. Les visages étaient très sombres, mais fleuraient encore joyeusement le savon, quand ils apparaissaient entre deux pots de basilic pour me voir passer. Et les jeunes filles sortaient déjà pour la première messe, comme de petits ânes harnachés pour la fête du saint. Entortillées dans leurs corsets de velours, avec leurs jupes de raphia à rubans et leurs bas turquins — un costume que je croyais tombé en désuétude —, elles marchaient comme des dames, distribuant à gauche et à droite le tendre dédain de leurs yeux.
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Enfant, j'aimais le bruit de la pluie. Surtout le matin, dans le demi-sommeil, lorsque, parmi les vapeurs d'un rêve gris-fer, confusément, je l'entendais se faufiler dans mes oreilles avec un fracas de volière, ou bien imiter le piétinement de pieds, de nombreux pieds : comme une longue marche ou comme un sauve qui peut. "Ça y est, il pleut !". J'entendais une voix sans un son me parler. Rien qu'une simple annonce, mais qui suffisait à créer en moi un état de joyeuse inquiétude, une sorte d'éclaircie pour les sens...
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Où l'on apprend que, si un peintre naïf peut rivaliser avec un peintre professionnel, celui qui s'adonne à la délinquance sans apprentissage adéquat risque de n'aboutir à rien. Quel que soit l'enthousiasme qu'il puisse y mettre, un honnête homme sera toujours, en matière du mal, un apprenti maladroit.
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- A cette époque, dis-je avec emphase, j'aimais l'île comme on aime une grande personne qui joue avec nous. Je sais, c'est écrit dans trop de livres, mais moi, je m'émeus quand même devant les verts paradis. J'aimais dormir dans les greniers de campagne, sous les guirlandes d'oignons et les melons ensachés dans des bas ; me baigner dans les eaux des moulins, dans les norias ; rompre d'un coup de poing les nids de guêpes en grappes entre l'huisserie et l'architrave. Sais-tu ce qu'est un enfant du Sud en plein midi ? Quand il s'allonge, la nuque posée sur une pierre, pour suivre le zigzag des oiseaux empêtrés dans le ciel ; ou quand il descend dans les torrents pour capturer les sangsues qu'il vendra à la guérisseuse ; puis, pour s'essuyer, il se roule dans l'herbe... Combien de conjurations et des sortilèges je connaissais alors. Et il aurait suffi d'en prononcer un seul, en remuant un couteau, pour couper la chevelure de la trombe marine, quand tu la vois se tordre à l'horizon, toute noire. Mais je ne voulus jamais la dire, cette conjuration, et, maintenant qu'elle pourrait m'être utile, je l'ai oubliée.
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Attendre une femme... Il y a un plaisir dans l'agonie d'attendre quelqu'un qui ne vient pas, une passion envoûtante, qui ressemble au goût de perdre au jeu, un jeton après l'autre, une minute après l'autre.
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Peut-être que nous, je veux dire le Terre, Cassiopée, Alpha Tauri, cette étoile filante, tous les autres corps et astres que tu vois et que tu ne vois pas, nous tous, zodiaques et natures, ne sommes que des milliards de calculs dans le rein d'un corpulent animal, sa colique sans fin, la présure graveleuse de son laborieux et gigantesque émonctoire ; et ainsi nous flottons, dans l'éther et la pisse qui s'infiltre dans tous ses méats et le fait glorieusement hululer de douleur dans le silence des espaces éternels. C'est ce que nous appelons l'harmonie des sphères.
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Du reste, que faisons-nous, nous autres êtres humains, durant toute notre vie, si ce n'est répondre en balbutiant à un sphinx ?
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Il est étrange qu'après tant d'approches et tant d'occasions de nous connaître, je n'aie retenu de lui que quelques filaments de son visage, une sorte d'insaisissable suaire, et la tache que faisait son corps de montagnard entre la lumière et moi, quand il se dégageait de son plaid coloré pour venir se pencher au-dessus de moi et me serrer bruyamment la main. Et je m'explique encore moins qu'en un lieu tel que celui-là, où la solitude ne tolère ni atermoiements, ni diplomatie, notre rencontre ait suivi une grammaire aussi sinueuse et prudente. Comme si tous deux nous craignions et nous désirions à la fois en l'autre le complice et l'ennemi qui nous manquait, et sans lequel la partie n'aurait pu avoir lieu.
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C'était donc une revanche que de jouer et chanter nous-mêmes, le soir, dès que nous sentions la fièvre refluer doucement et le cours du sang dans les veines se faire lent et bourbeux, battement d'eau morte contre la rive. Nous nous asseyions alors tous ensemble, en cercle sur le sol, avec un harmonica, une mandoline, et deux ou trois voix qui s'épuisaient à se poursuivre et à s'accorder, dans un effort presque déçu de l'atteindre et de le retenir, cet air évasif et ténu, qui, comme toute autre chose, se refusait à nous appartenir.
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Ceux qui n'avaient de fièvre descendaient dans le jardin sans demander aucune permission : très maigres, le dos nu, pour une désobéissance ou défi qui sait à qui, ils avançaient haletants dans la brume bourdonnante.
(invasion de sauterelles)
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De la mer ils entendent, les jours de mauvais temps, le grondement contre les fondations de l'île ; du ciel aussi ils aperçoivent dans le soupirail en gueule de loup des lambeaux croisés aux couleurs changeantes, chair, gris perle, selon l'alternance des heures et des saisons. Ils suivent les étoiles et leur chemin, la présence d'un nuage qui, des mois durant, image d'espérance tenace, apparaît ponctuellement chaque midi, puis se défait brusquement comme un noeud dans les cheveux d'une enfant qui court ; nuage finalement disparu à jamais.
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Car l'amour est, comme je le crois, non pas un feu que la main tire du caillou à l'aide d'un briquer, mais une combustion spontanée de l'âme qui seulement lorsqu'elle s'embrase et flambe cherche au-dehors d'elle-même l'être auquel s'accrocher. Sentiment évasif doté de traits tellement opposés les uns aux autres qu'il ressemble à ces maux qu'un unique nom désigne mais dont les symptômes et les effets varient à l'infini. A quelle extrémité ce sentiment m'a poussé, chacun peut aujourd'hui le constater : à ma perdition.
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La guerre était derrière nous, mais notre veste gardait la marque de la bandoulière tout comme l’âcreté de la poudre dans les narines et sur les mains. Mains qui avaient tiré, tué peut-être. Et maintenant, on se demandait pourquoi.
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Chaque renvoi, du reste, servait à rendre plus fallacieuse et tendre l'intimité avec la fin proche, et même à la faire ressembler un peu à un masque d'amour.
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Il ne sert à rien, seulement afin de s'en consoler, d'ennoblir un destin qu'on est contraint de souffrir.
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Intérieurement bouleversé, presque corrompu par le commerce de ces hommes, je me demande alors qui je suis ? Nous autres, homme, qui sommes-nous ? Sommes-nous vrais, sommes-nous faux ? Figures de papier, simulacres incréés, ombres inexistantes sur la scène d'une pantomime de cendres, bulles soufflées par la paille d'un prestidigitateur ennemi ?
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L'attente de la mort est un ennui comme un autre qui se nourrit de beaucoup plus de faste que la mort elle-même.
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Auparavant la mort faisait à leurs yeux figure de brève péripétie pour acteurs, étant entendu qu'une fois terminées les ovations et les salutations, chacun retrouverait sa place derrière les décors et redeviendrait soi-même. Tandis
qu'ils découvrent maintenant, de but en blanc, qu'ils ne seront plus jamais eux-mêmes, qu'ils ne seront plus rien, et ils palpent dans leur esprit
l'épaisseur d'obscurité qui, peu à peu, avance...
Mais que dis-je obscurité ? L'obscurité est une cécité où l'on peut de ses doigts aveugles serrer d'autres doigts tout aussi aveugles, et néanmoins
cheminer côte à côte, solidaires dans le souvenir et le regret de la lumière... Alors que la mort n'est ni obscurité ni lumière, mais seulement mémoire abolie, césure, absence totale, incinération sans déchets, où tout ce qui a été, non seulement n'est et ne sera plus, mais est comme s'il n'avait
jamais été...
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