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Critiques de Gilles Bastian (1)
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Dossier de l'art, n°236 : Jérôme Bosch, visio..

Oeuvres transmises, perdues, cachées, détruites, réapparues, copiées, démembrées, vendues, volées, rachetées et finalement disséminées de par le vaste monde. L'histoire de l'art s' apparente à un jeu de piste où sont menées des enquêtes d'un genre un peu spécial, le plus souvent jamais vraiment élucidées. Certaines oeuvres de Jheronimus Bosch (entre 1450 et 1455 - 1516) sont aussi sujettes à quelques "embrouilles" d'experts et ce Dossier de l'art s'en fait l'écho. Certaines, probablement perdues, sont connues par les copies de suiveurs de l'artiste. Certaines signées, à priori autographes, suggèrent cependant le doute et d'autres encore, réputées de son atelier, seraient pourtant de la main du maître. Allez savoir… Cinq siècles plus tard, si de nombreuses questions sont toujours loin d'être résolues, le portrait de l'artiste, lui, commence à se faire plus précis.



Quatre morceaux d'un même polyptyque dont la paternité n'est pour le coup pas contestée - la partie centrale est perdue -, séparés par l'atlantique (deux en Europe, deux aux E.U.) se trouvent actuellement réunis par la grâce d'une rétrospective que sa ville natale de Bois-le-Duc dédie à Jérôme Bosch. Ils suffiraient à eux seuls pour raconter l'extraordinaire fortune de l'oeuvre de ce peintre né et mort en Brabant septentrional à la fin de l'âge gothique et à l'aube de la renaissance ; il s'agit de : « La nef des fous », conservée au Louvre ; « Le Voyageur », à Rotterdam ;  « La mort de l'avare » ou « L'usurier », à Washington ; et « La Gloutonnerie » à New Haven. A côté d'oeuvres plus immensément connues, comme « Le Jardin des délices » et « Le Chariot de foin » (signé, mais que des historiens attribuent à un peintre de l'atelier), conservées toutes les deux au musée du Prado, ou des trois triptyques vénitiens prêtés par la Gallerie dell'Accademia ou le musée du Palazzo Grimani, le lecteur découvre avec ébahissement, dans ce numéro édifiant, combien l'oeuvre de Bosch est sujette à de très épineuses et délicates questions d'attributions et de chronologie, autant que susceptible de se prêter à un champ d'interprétations inépuisables.



L'événement, introduit par le commissaire de l'exposition Charles de Mooij, fait bruisser le petit monde de l'art car l'état des recherches a beaucoup progressé ces dernières années, révélant son lot de surprises. Les études récentes liées aux douze campagnes de restauration menées ici et là depuis 2009, ont permis en effet aux experts de mieux délimiter le périmètre des oeuvres attribuées à Jérôme Bosch, vingt tableaux et dix-neuf dessins en tout et pour tout, en l'état actuel des connaissances. Les résultats sont mis à la disposition du public dans l'imposante monographie qui accompagne l'exposition. Mais, à tous ceux qui ne pourraient la lire, ce numéro offre vraiment de quoi satisfaire toutes leurs curiosités. Deux dossiers passionnants, pour leurs aspects à la fois scientifiques, techniques et méthodologiques, documentent l'un, la restauration des triptyques vénitiens par la main experte de Maria Chiara Maida de l'Accademia de Venise, et l'autre, celle de « La Nef des fous », le seul Jérôme Bosch du Louvre acquis en 1918, racontée à plusieurs voix par l'équipe du Centre de Recherche et de Restauration des musées de France. Scotchant, pour ceux que le sujet intéresse.



Toutes considérations indispensables qui n'occultent en rien, bien entendu, l'essentiel : la belle composition visuelle de ce numéro chargée d'apporter son appui au décryptage d'un univers étrange (dans lequel le roi d'Espagne Philippe II voyait « une satire peinte des péchés et des délires des hommes »), remis au goût du jour au XXe siècle par les surréalistes. Car le répertoire absolument personnel de Bosch, dominé par une profusion de créatures fabuleuses ou monstrueuses, inquiétantes, frappe immédiatement, continue de fasciner et d'interroger le spectateur du XXIe siècle. L'évocation du contenu et de la symbolique complexe des grandes oeuvres est rendu accessible par les commentaires précieux de deux spécialistes, sans les lumières desquels elles resteraient probablement hermétiques. Leurs deux points de vue se complètent d'ailleurs parfaitement et restituent la cohérence de ces représentations au sein de l'oeuvre entier, affinant et précisant au passage l'image d'un artiste volontiers taxé d'ésotérique.



L'un, Frédéric Elsig, après l'exposé des éléments biographiques concernant le peintre et son atelier et les indispensables clés stylistiques permettant d'aborder l'oeuvre ("Qui est Jérôme Bosch"?), examine « L'au-delà selon Jérôme Bosch ». Autrement dit les idées philosophiques et religieuses qui alimentent ses « visions » et qu'illustrent les oeuvres majeures dites eschatologiques - où son imagination est totalement débordante -, telles les jugements derniers de Vienne et de Bruges, mais surtout le fameux triptyque du «Jardin des délices », conçu comme une réflexion possible sur la destinée humaine, la représentation d'une utopie en réponse à une question théologique posée au XVIe siècle (p.34) . Alexis Merle du Bourg explore, lui, à la fois une peinture religieuse nettement moins « excentrique », inspirée des épisodes de la vie de Jésus – Nativité, scènes de la passion, représentation des saints ou des prophètes – (« L'oeuvre de Dieu"), et une peinture d'inspiration profane, très populaire largement diffusée par des copies, narrative, en prise avec un monde hanté par le péché, dont les sujets empruntent aux croyances, proverbes, divertissements ou travers de l'époque, (« La part du diable »).



Bosch renouvelle ainsi la tradition flamande : verve satirique et fantaisie débridée au service d'un humanisme cependant foncièrement pessimiste, nourri aux sources littéraires de son époque (« L'ars moriendi », « La Nef des fous » de Sebastian Brant publiée en 1494, ou encore les manuscrits enluminés peuplant les scriptoria des nombreux monastères de Bois-le Duc). Dans la droite ligne du répertoire très populaire de Jérôme Bosch, Pieter Bruegel l'ancien reprend et adapte plus tard son illustre maître, assurant leurs deux passeports pour la postérité.



Comme à son habitude, le magazine renvoie in fine à un dossier complémentaire : page dédiée à Philippe le Beau, duc de Bourgogne et mécène ; quelques autres à la découverte du Brabant septentrional et de ses villes, pour un itinéraire touristique et artistique organisé en 2016 à l'occasion de l'année Bosch ; « La Nef des fous »  de Sebastian Brant : flash sur une oeuvre littéraire de grand succès, publiée en allemand en 1494, et un ultime contrepoint contemporain, hommage du plasticien Jan Fabre à Jérôme Bosch.



Incontournable lecture avant de se rendre à Bois-le-Duc.



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