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Citation de Charybde2


Le projet le plus général de Nietzsche consiste en ceci : introduire en philosophie les concepts de sens et de valeur. Il est évident que la philosophie moderne, en grande partie, a vécu et vit encore de Nietzsche. Mais non pas peut-être à la manière dont il l’eût souhaité. Nietzsche n’a jamais caché que la philosophie du sens et des valeurs dût être une critique. Que Kant n’a pas mené la vraie critique, parce qu’il n’a pas su en poser le problème en termes de valeurs, tel est même un des mobiles principaux de l’œuvre de Nietzsche. Or il est arrivé dans la philosophie moderne que la théorie des valeurs engendrât un nouveau conformisme et de nouvelles soumissions. Même la phénoménologie a contribué par son appareil à mettre une inspiration nietzschéenne, souvent présente en elle, au service du conformisme moderne. Mais quand il s’agit de Nietzsche, nous devons au contraire partir du fait suivant : la philosophie des valeurs, telle qu’il l’instaure et la conçoit, est la vraie réalisation de la critique, la seule manière de réaliser la critique totale, c’est-à-dire de faire de la philosophie à « coups de marteau ». La notion de valeur en effet implique un renversement critique. D’une part, les valeurs apparaissent ou se donnent comme des principes : une évaluation suppose des valeurs à partir desquelles elle apprécie les phénomènes. Mais, d’autre part et plus profondément, ce sont les valeurs qui supposent des évaluations, des « points de vue d’appréciation », dont dérive leur valeur elle-même. Le problème critique est : la valeur des valeurs, l’évaluation dont procède leur valeur, donc le problème de leur création. L’évaluation se définit comme l’élément différentiel des valeurs correspondantes : élément critique et créateur à la fois. Les évaluations, rapportées à leur élément, ne sont pas des valeurs, mais des manières d’être, des modes d’existence de ceux qui jugent et évaluent, servant précisément de principes aux valeurs par rapport auxquelles ils jugent. C’est pourquoi nous avons toujours les croyances, les sentiments, les pensées que nous méritons en fonction de notre manière ou de notre style de vie. Il y a des choses qu’on ne peut dire, sentir ou concevoir, des valeurs auxquelles on ne peut croire qu’à condition d’évaluer « bassement », de vivre et de penser « bassement ». Voilà l’essentiel : le haut et le bas, le noble et le vil ne sont pas des valeurs, mais représentent l’élément différentiel dont dérive la valeur des valeurs elles-mêmes.
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