AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de duplau


Chacun d’entre nous a déjà rencontré ces créatures que Benjamin définit comme « crépusculaires » et inachevées, semblables aux gandharva des sagas indiennes, mi-génies célestes, mi-démons: « Nulle n’est assignée à un endroit précis, nulle n’a besoin de contours nets et inimitables; nulle qui ne soit en train de descendre ou de monter; nulle qu’on ne puisse prendre pour son ennemi ou pour son voisin; nulle qui n’ait atteint son âge et qui soit pourtant arrivée à maturité; nulle qui ne soit complètement épuisée et qui pourtant ne se trouve qu’au début d’un long voyage. » Plus intelligents et plus doués aussi que nos autres amis, toujours tendus vers des idées et des projets pour lesquels ils ont toutes les qualités, ils ne parviennent cependant à rien finir et restent généralement sans oeuvre. Ils incarnent le type de l’éternel étudiant et de l’aigrefin qui vieillit mal et qu’il faut bien finir, fût-ce à contrecoeur, par laisser derrière nous. Et pourtant, il y a quelque chose en eux, un geste inachevé, une grâce inattendue, un certain aplomb mathématique dans les jugements et dans le goût, une souplesse comme aérienne des paroles et des gestes qui atteste qu’ils appartiennent à un monde complémentaire, qui indique une citoyenneté perdue ou un ailleurs inviolable. On peut dire alors qu’ils nous ont porté assistance, même si nous ne savons pas comment. Peut-être cette assistance consistait-elle précisément en ce qu’ils n’offraient pas le moindre secours, en ce qu’ils nous opposaient avec obstination leur « pour nous, il n’y a rien à faire ». Mais c’est précisément pour cette raison que nous savons que nous les avons trahis.
Commenter  J’apprécie          40





Ont apprécié cette citation (3)voir plus




{* *}