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Citation de Apoapo


3. [LO] « Folie, comme l'appelèrent ces hommes blancs sans regard. Maintenant je vois pourquoi elle t'a explosé dans les mains justement quand ton ennemi est tombé, détruit comme tu l'invoquais. Lui tombant, s'est rompue la tension d'acier pour laquelle tu as vécu en te rendant étrangère à toi-même, à ta chair ; le contradicteur tombant, tu es restée muette et seule, avec les faits de ta vie dépouillés de la cuirasse qui te permettait de ne pas prêter attention aux détails, aux virgules de ton histoire. Et nue avec toi-même, avec les passivités féminines, les tendres émotions de tes douces épaules, de ta forte poitrine, les digues que ton intelligence avait élevées entre toi et toi se sont rompues, lâchant un flot de peurs que tu avais ignoré avoir. Comme toutes les femmes, étant intelligente, tu devais l'être plus qu'un homme. Mais on n'échappe pas à sa nature : on peut bien sûr l'affamer, la contraindre au silence, y compris pour longtemps ; mais tôt ou tard sa faim la pousse au-dehors avec les dents, les ongles effilés et elle vous déchiquette les chairs et les veines.
[…]
Ma façon de la soigner était une vengeance. Enfin je l'avais en main, cette femme qui m'avait dominée toute ma vie : je pouvais la laver, la tenir dans mes bras, la caresser, elle qui auparavant était si avare de tendresse. Je pouvais l'empêcher de manger : c'était la seule chose, car elle avait le diabète, qui lui donnait désormais de la joie. Je me vengeais de ce qu'elle m'eût trahie avec la folie. Je me vengeais en lui faisant voir comment on prend soin d'une fille : en le lui faisant voir à elle, qui ne s'occupant que de mon esprit m'avait pour le reste négligée de toutes les façons. C'était cela, mon remords. Remords de la contraindre à garder en vie ce corps déjà mort. Et elle le savait. » (pp. 153-155)
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