Coller des affiches. Protégé des voyageurs par deux seaux, balises précaires, qui délimitent une petite zone de travail sur le quai. Déplier les grands papiers, les coller, un par un, à la colle à poisson, bien ajuster les bords et découvrir, révéler, morceau après morceau, l'affiche dans son ensemble. Tout un spectacle : en attendant leur métro, les gens regardent. Ils admirent son adresse, sa technique à la brosse, ils devinent les mots tronqués : "Vi" "Comm". C'est un rébus. Un demi-visage de femme, une épaule nue, le colleur prépare le morceau d'affiche qui se placera sous l'épaule : nu ? vêtu ? Les gens jouent au petit bonhomme pendu. Il y en a même qui laissent passer un train, pour connaître le fin mot de l'histoire. "Vi", "Comm", et ce demi-visage de femme blonde, deux mètres de hauteur au bas-mot : combien de visages véritables faudrait-il pour en remplir la surface ? Deux cents ? Deux cents visages, un visage. (p. 14-15)