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Critiques de Guillaume Winter (1)
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Poison et antidote dans l'Europe des XVIe e..





Depuis la très haute Antiquité, le poison contribue à organiser l’histoire de la pensée. Socrate, condamné à boire la ciguë, témoigne, par son geste héroïque, auréolé de majesté et de grandeur, de l’avènement de la philosophie moderne. Déjà, le poison participe d'un acte emblématique et fondateur.

Les communications, textes de journées d’étude rassemblés dans ce livre, veulent, à leur tour, «faire parler le poison» : revisiter la tradition historiographique, réévaluer nos connaissances à l’aune des avancées de la recherche en sciences sociales et en sciences humaines, explorer toutes les dimensions du sujet et le soumettre à une pensée critique. Philologues, littéraires et historiens sont invités à croiser leurs regards sur des champs culturels contrastés et sur une période historique où «l’intoxicatio» connaît une époque faste. Poison et antidote dans l’Europe des XVIe et XVIIe siècle se déploie dans quatre directions thématiques : le poison naturel, la langue empoisonnée, maléfices et sorcellerie, poison et littérature. L’empoisonnement contamine l'ensemble de la société de la Renaissance : la science, la religion, la littérature, la mort, l’imaginaire. Sa nature mortifère jette le trouble et sème le doute. Dans la pensée scientifique, poison et antidote ne génèrent que spéculation, ambiguïté et ambivalence. Conçus comme des «merveilles de la nature», ils résultent néanmoins des subtiles manipulations humaines. Au carrefour de disciplines connexes se cristallise alors une incertitude épistémologique : une identité et une légitimité vouées à la confusion. Alors que du XVIe ne s’élève que des hymnes à la création, le discours sur le poison installe tension, embarras et discordance au cœur de la réflexion médicale.

Plus que tout autre fait social, le poison se prête à la métaphore. Il est comme baigné dans un flot métaphorique impétueux et puissant. La profusion des occurrences produit un système de représentations qui traverse le corps social. La violence verbale est venin langagier. Dans l’espace politique, le poison est flatterie, dans l’espace public, il est mensonge, parjure, diffamation et médisance. Bien ancré dans la modernité, l’empoisonnement devient une des méthodes d’assassinat les plus populaires. Là, s'expriment bassesse, traîtrise, perfidie, couardise, soupçon. La langue de la Renaissance s'épanouit dès lors dans une dialectique du secret : le taire et le dire. Il y a donc une bonne et une « mauvaise» langue. L’imaginaire vénéneux trouve dans la théologie une profonde résonance. Les débats métaphysiques s'interrogent sur l'origine du poison. On loue l’ingéniosité paradoxale du Créateur parce que «le mal répugne à la nature humaine». Le XVIe siècle développe un discours de diabolisation sans équivoque : la toxicité démoniaque. Le poison n'est que maléfice, l'empoisonneuse, sorcière et suppôt de Satan, l'intoxication, expression des forces occultes et le venin, expédient diabolique. L'église garantit le salut de l'âme et celui du corps. Le recours spirituel est d'une plus grande force curative que la médecine humaine et les pratiques thérapeutiques savantes.

Au XVIe, le poison participe aux progrès d’une culture scientifique nouvelle, aux connaissances médicales et toxicologiques naissantes. Il est un «mal pour un bien» qui s'inscrit dans une culture du crime répandue bien au-delà des cercles élitaires. Si «tuer par le poison est un très grave délit», il va marquer durablement le réel et l’imaginaire d'une société en pleine mutation.
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