Garibaldi.
Un jour quelqu’un lui avait donné ce nom qui ne figurait nulle part, mais le désignait depuis toujours. Il était grande et très maigre, presque squelettique, sa tête était coiffée d’un casque bosselé de motocycliste qu’il ne quittait jamais, même pour dormir. Il portait une espèce de cotte bleue, comme celle d’un mécanicien, et un large ceinturon de cuir usé d’où pendaient toutes sortes d’objets difficile à identifier. Son pied-droit était chaussé d’une botte de plastique et le gauche d’un tennis de cuir dont la semelle avait été remplacée par un morceau de vieux pneu.
( L’âme des byciclettes )
Il n’y a pas d’étape plus intolérante que l’enfance, ni plus impitoyable envers qui défie l’uniformité des préjugés.
On disait la Gardela, mais elle s’appelait Haydée et elle était la reine de la milonga de Villa Luro. De partout on venait la voir danser, avec ses fesses de roc et ses chaussures à talons fins, qui reflétaient les pauvres lumières de ce sanctuaire où les couples, joue contre joue, glissaient au rythme d’un tango.
Elle avait un papillon écarlate tatoué sur sa croupe, que seuls de rares élus pouvaient voir voler dans la pénombre en sueur d’une chambre, quand la musique s’était éteinte et que les derniers danseurs se fondaient dans les ombres de l’aube. Alors seulement, enfin dépouillée de tous ces regards qui acclamaient le dandinement de ses cuisses, elle laissait s’ouvrir les ailes de son papillon pour que l’heureux du jour le poursuive au ciel éphémère des corps.
Quand la faim est à la porte, l'amour s'en va par la fenêtre.