La mer n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle nous montre que nous sommes tout petits et que même ceux qui se croient très grands, très importants, et qui jouent aux hommes très sérieux et très graves redeviennent, face à elle, les fragiles petits enfants qu'ils sont en fait.
Et puis le Petit Peintre ne va jamais à la mer pour prendre des couleurs. il n'a pas besoin d'aller les voler au soleil : c'est lui qui les transporte et qui donne la lumière au monde.
Quand le Petit Peintre va à la mer, c'est pour piéger la lumière.
Et, aujourd'hui, il a décidé de capturer une vague dans les fils de ses pinceaux, dans les filets d'une toile.
La difficulté de la poésie tient bien en fait à sa nature même qui est d'éclairer par l'expression la plus exigeante. Mais nous ne savons pas regarder le soleil en face.
Aurions-nous peur de la lumière?
Il a pris son plus gros chevalet, trois tubes de peinture seulement (un bleu, un blanc et un noir), une très grosse brosse pour prendre la vague de vitesse et encore quelques pinceaux pour apprivoiser l'écume.
Ce qui s’efface
à Annie Ernaux
4
Tu marches sans trêve
Tu n’es que cette marche
Ce temps qui t’égoutte
Jusqu’à ce puits sans fond
Tu n’es que cette terre un peu
Tu n’es que l’humble
Qui consent
Quand bien même il a peur
A l’humaine mort
Qui le signe et l’absente
5
Et quand tu rends grâce
C’est à la vie seule insensée
Sans rien qui l’excède
Sans rien qui la précède
Que le nécessiteux hasard
6
Et quand tu aimes même
Tu sais qu’il n’en restera rien
Qu’un mortel bonheur
Qu’un pur instant de passage
Que cette goutte de deux noms
Vers d’autres noms
Qui tour à tour s’effaceront aussi
Dans une larme desséchée
Jusqu’à l’ultime contraction…
Rien une goutte de sang
à Christophe Dauphin
Oui ce n’est rien
Rien qu’une goutte de sang
Qui coule qui a coulé déjà
Rien d’autre
Mais la dire humblement
La dire seulement dans le nœud du poème
Est tant déjà
Que tu ne sais plus
Si ce n’était rien
Qu’une goutte de sang
Solus
à Marylise Leroux
1
Tu fais quelques pas dans le noir
Si longtemps quelques pas dans le noir
Si seul quelques pas
Sans nulle lumière que la recherche de la lumière
Et ce seul sens d’inscrire une absence de sens
2
Il y a autre chose
Très loin très près
Et tu sais alors
Que tu ne vois pas
Que tu ne vis pas
Que seul ce chemin que tu hésites
Existe au plus dedans
N’avoir pas été
Et n’avoir pas été
Ou si peu
Si peu que cet instant ténu d’un pur amour
Que la rencontre d’un regard
N’avoir été que ce souffle entre deux eaux
Ce lent murmure à l’aube d’une voix
Dans la quête insensée du sens
N’avoir été
Que cette vaine promesse
De qui n’avait pas de place ici-bas
De qui n’était pas désiré
De qui ne fut qu’à peine
Et se penche vers son seul lieu
Vers le nœud grouillant de la terre
Dans l’être du désastre
Et de l’absence
La tentation d'espérer
Pourtant un sourire dans la nuit
A n'y pas croire
Et cette épreuve de peaux
Qui imprime la pierre
L'hiver se givre dans la voix
Le feu avitaille le souffle
Tu retiens l'impossible dans la paume d'un rêve.
La parole épouse les rives
D'un fleuve sans cesse mouvant
Qui te déborde et t'emporte
La mer n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle nous montre que nous sommes tout petits et que même ceux qui se croient très grands, très importants, et qui jouent aux hommes très sérieux et très graves redeviennent, face à elle, les fragiles petits enfants qu'ils sont en fait.
Et puis, le Petit Peintre ne va jamais à la mer pour prendre des couleurs. Il n'a pas besoin d'aller les voler au soleil : c'est lui qui les transporte et qui donne la lumière au monde.
Quand le Petit Peintre va à la mer, c'est pour piéger la lumière.