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Citation de michelekastner


Beaucoup plus tard, un jour que tu t'étais attardé là, dans l'herbe, à contempler le paysage, et que tous te réclamaient pour la fête, tu m'avais dit : "Tu vois, je n'ai pas besoin de courir le monde, moi, pour voyager loin." Je me rappelle que je n'avais rien répondu. Parce que j'étais d'accord avec toi et que je ne voulais pourtant pas te donner raison, j'aurais été acculé à te dire pourquoi je ne cessais de partir, de plus en plus loin et de plus en plus longtemps, et ce que je fuyais, et ce que je cherchais ailleurs et que je ne trouvais pas et ne trouverais sans doute jamais de ton vivant, parce que tu ne me l'avais pas donné : cet amour et cette assurance d'être aimé pour ce que j'étais, d'être quelqu'un d'abord, à qui l'on fait confiance, autre chose qu'un incapable, un vaurien, toujours suspect, toujours coupable. Bref, j'aurais été acculé, papa, à te dire tes quatre vérités, comme on dit. Ces quatre qui sont si nombreuses qu'on ne les dit jamais.
Aujourd'hui, papa, je suis là à ta place devant ce pays sans fond, dont tu disais en riant propriétaire, parce que cette plaine sous tes yeux était inconstructible. Je suis là aujourd'hui à ta place et j'ai la gorge nouée. J'allume une de tes cigarettes pour chasser ce que je sens monter en moi et que j'ai toujours détesté. Bon sang de bon sang, me dis-je, en refoulant mes larmes,
est-ce
qu'on grandit
jamais ?
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