Guy Michaud

Comme leurs aînés de dix ans, les jeunes de 1896 sont souvent "décadents", eux aussi.
A leur tour, ils sentent le déclin d'un siècle et d'une civilisation, et le regret d'un passé disparu, et l'insurmontable tristesse de vivre ; ils ont seulement retenu du Symbolisme le sens du recueillement, et quelque façon harmonieuse de gémir.

Comme le dit Jacques Nanteuil, "cette fin de siècle... préfère la grâce à la force, une grâce meurtrie, dolente, pitoyable, à demi-voilée. Déjà libérée du Symbolisme, déjà plus réaliste, bien que portée à projeter le mystère autour des impressions élémentaires, elle se recueille plus qu'elle ne se répand ; elle doute plus qu'elle n'affirme ; elle soupire plus qu'elle ne se plaint ; elle pleure plus qu'elle ne résiste."

Les thèmes romantiques ont pris toute leur signification : Lamartine chantait l'harmonie des soirs, Verhaeren en dit la détresse. Et si "automne" rime toujours avec "monotone", derrière cette monotonie se profile maintenant l'ombre de la mort et la peur du néant.