Elle savait que ses paroles étaient justes et son invitation sincère. Une fois encore, Duras avait eu raison. Cette appartenance lui faisait terriblement défaut. Mais elle n’était pas prête. Le vent d’Est n’arrivait toujours pas et ses vers se perdaient dans l’océan avant d’avoir pu être couchés sur le papier.
C’est incomparable, unique. Je te laisse imaginer. L’aurore n’a pas encore percé que tu largues l’amarre avant. La brume se lève, et les vagues se brisent sur l’étrave. Tu vis au rythme de l’océan, tu es en symbiose totale avec les éléments. Le remorqueur fait gronder ses chevaux-vapeur et tu t’engages sur le chenal. Au passage du phare, tu fais tonner la corne. Le gardien te répond. Lui aussi souhaite que les vents te soient favorables. Tu t’éloignes. Et en un rien de temps, la côte s’efface. Le dernier lien avec le remorqueur est rompu. Les voiles se gonflent sous l’impulsion du vent. Tu décoches une lame, puis une seconde. Tu files bon train, cap au sud, avant de remonter plein nord. Direction les Grands Bancs.
Parfois, la force de l’insularité en devient une faiblesse. À être constamment ensemble, à se serrer les coudes face à l’adversité, on en devient aveugle et maladroit.