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Critiques de Gwen Keraval (158)
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Don Quichotte

Qui est Don Quichotte ?

Pour écrire cette critique il m'a fallu non seulement rassembler des souvenirs, ce qui n'est pas encore si difficile, mais également tâcher d'aller au-delà et, ce faisant, affuter mon propre sens critique et le diriger vers moi-même dans un lourd travail d'introspection.

En effet, qui est Don Quichotte ? Question a priori simple qui appelle des réponses complexes et variées, presque aussi diversifiées qu'il y aura de sombres illuminés pour se la poser.

Don Quichotte, c'est quelqu'un qui est en décalage avec le monde dans lequel il vit. Un membre d'une époque qui rêverait d'en habiter une autre, plus ancienne, plus noble, plus féérique à ses yeux. Cette époque rêvée il ne la connaît pas, il l'a seulement fantasmée à partir de livres désuets et fabulateurs qui, même en leur temps, étaient des légendes, des symboles, des paraboles tout sauf la réalité d'un moment.

Don Quichotte refuse de voir les évolutions en marche, il reste campé, braqué, les quatre sabots fichés dans le sol comme une vieille bourrique qui refuse d'avancer.

Ouvrir les yeux, voir la réalité en face c'est renoncer à son rêve, c'est renoncer à sa définition du bonheur, c'est perdre le sens de sa vie. Voilà pourquoi son cerveau, qu'un oeil extérieur pourrait juger défaillant, s'ingénie à déformer les réalités, les patentes erreurs qu'il commet, les lourds revers qu'il essuie pour les faire cadrer avec son monde fantasmé, bâti de toute pièce, son monde chéri, ce qui lui donne l'impression de vivre. C'est la définition même du bovarisme poussé à l'extrême.

Quand je dresse ce tableau et que j'ai l'outrecuidance de me regarder moi-même à l'oeuvre, mes classiques à la main, ces livres d'un autre temps, quand je sonde mon coeur pour découvrir quels sentiments j'attendrais de mes concitoyens, force m'est de constater que moi-aussi, moi surtout, peut-être, je suis une manière de Don Quichotte.

Qui est Don Quichotte ? Don Quichotte, c'est moi.

Quand, par les temps qui courent, je m'en vais au vent mauvais, qui m'emporte, deçà delà, pareille à la feuille morte dans sa monotone chanson d'automne, que je furette à droite et à gauche, que j'observe tout le monde, que j'observe chacun, je vois que nombreux sont ceux qui affectionnent les histoires de pirates ou de Moyen-Âge, les mondes peuplés d'elfes et de Hobbits, les ouvrages dits de fantaisie héroïque, les enquêtes fabuleuses des années 1920 ou bien encore les sagas étoilées riches en sabres laser qui débutent toutes par un lancinant " Il y a longtemps, très longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine... " bref toutes choses fantasmées et révolues. Je me dis alors que vous aussi vous vivez dans les brumes, dans les vapeurs éthérées d'un rêve qui vous extrait, l'espace d'un instant, des noirceurs et des contours trop nets de la réalité ; je me dis que vous aussi vous vous téléportez par la pensée dans des époques lointaines et qui jamais, sûrement, n'ont existé ou n'existeront ; je me dis enfin que tuer cette aptitude à rêver vos vies ce serait vous tuer pour de bon car même les dictatures les plus féroces qui ont pu faire tant de mal aux hommes n'ont jamais totalement réussi à les empêcher de s'extraire du réel par le rêve.

En somme, qui est Don Quichotte ? Don Quichotte, c'est vous.



À ce stade, il me faut certainement dire un mot ou deux de l'impression suscitée par ce roman à la lecture. J'ai souvenir d'un démarrage sur les chapeaux de roues, particulièrement drôle et efficace au début, peut-être jusqu'au premier tiers, d'un milieu de roman qui, sans être désagréable, m'a semblé plus poussif, un peu lassant à la longue et répétitif par ses situations toujours un peu téléphonées, mais d'une fin qui retrouve un élan magistral.

C'est ce milieu surtout qui explique mes quatre étoiles sur le ressenti global. Il me faut aussi préciser que L'Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche est une oeuvre à facettes ou à plusieurs niveaux de lecture.

Il y a d'une part la narration et son style, qui sont responsables d'une bonne partie de l'impression générale de la lecture et il y a d'autre part la portée philosophique, politique, sociétale, littéraire et historique du roman.

Don Quichotte c'est la naissance du roman. Avec votre oeil d'aujourd'hui, vous pouvez peut-être lui trouver un petit côté poussiéreux, mais si on le met en place dans la succession historique de la production littéraire, ce livre marque une évolution heureuse, l'un des tout premiers apanages de ce que l'on nomme désormais le roman.

La technique narrative est basée sur le décalage. Dit autrement, c'est la définition même de l'humour et de la situation comique. Est drôle ce qui est décalé par rapport à ce que l'on sait d'une norme ou d'une réalité.

Miguel de Cervantès a aussi la géniale intuition de rafraîchir le dialogue à la Platon. Il fallait donc un interlocuteur privilégié à Don Quichotte. Il a encore l'intelligence de jouer sur le contraste : l'un sera aussi haut et grêle que l'autre sera court et replet. le maître sera d'autant plus évanescent dans les nuages que le serviteur sera prosaïque les pieds dans la fange. L'un aura un langage aussi affecté et recherché que l'autre maniera la langue torse de ceux qui lèchent les pots de confiture.

Vous avez deviné que cet acolyte de choix n'est autre que le paysan Sancho Panza. C'est un personnage-clé car il permet soit de mettre en évidence les décalages de son maître, soit d'être un degré de folie intermédiaire entre les " saints d'esprit " et Don Quichotte, soit de permettre un double décalage comique de part et d'autre d'une ligne médiane.

À mon avis, la plus grosse portion de la critique sociale, de la dénonciation politique de Cervantès repose sur ce personnage de Sancho. Comme s'il nous disait : " Vous êtes sains d'esprit vous, pourtant ! Vous êtes aptes à voir la réalité vous, pourtant ! et vous foncez tête baissée dans les discours et les chimères de ceux qui vous gouvernent. L'autre, c'est un fou, mais, vous, VOUS, qu'êtes-vous si vous adhérez à sa folie ? "

Je me plais à voir dans le Quichotte une bourrade farouche contre la religion, faite de fantasmes qu'on nous demande de suivre aveuglément, une institution sclérosée incapable de percevoir les évolutions du monde, qui répète ses dogmes inlassablement même quand les plus élémentaires réfutations viennent contredire tout l'édifice nébuleux dont elle est constituée. On sait que l'Espagne de Cervantès est étranglée par une religion omniprésente, omnipotente et omnipressante.

Ce qui caractérise le couple Don Quichotte / Sancho Panza c'est cette incroyable naïveté à toute épreuve. Dans ce long voyage initiatique on perçoit l'annonce des Lumières, tels le Candide de Voltaire ou, plus flagrant encore, le Jacques le Fataliste de Diderot. le message étant : il y a le monde comme on vous l'a dit et le monde tel qu'il est. Les deux images ne concordant pas, vous vous en doutez.

Nous même, depuis que nous sommes petits, on nous rebat les oreilles avec ces histoires de démocratie, de république, de choix des citoyens et de " élu par le peuple pour le peuple ". Certains y croient toute leur vie, ils pensent sincèrement qu'ils ont le choix alors qu'un élémentaire esprit d'analyse leur prouverait que tous ces hommes, de gauche, de droite, du milieu, du haut, du bas, sont tous des copains de promo, qu'ils viennent tous du même milieu et qu'ils repensent périodiquement au peuple, quelques semaines avant le renouvellement de leur CDD. On sait bien que le suffrage universel n'est qu'un leurre et que ce qui compte c'est le choix dans le candidat, choix qui n'existe absolument pas. On sait bien que toute notre vie on se fait rouler dans la farine de ce gigantesque dîner de cons, mais pourtant, nombreux sont ceux qui s'imaginent encore vivre dans une réelle démocratie, que les informations sont objectives, qu'ils ont une parfaite liberté de choix, etc...

Qui est Sancho Panza ? Sancho Panza, c'est nous.

Oeuvre majeure s'il en est, qu'on a intérêt à lire soit pour son volet de critique sociale, soit pour son volet de critique politique, soit pour son volet philosophique, soit pour son volet d'information historique sur l'Espagne du siècle d'or mais je persiste à penser que le grand, grand intérêt du Quichotte, c'est de le lire pour tout le comique qui est contenu dedans et qui, à lui seul, nous ouvre les portes d'une réflexion tournante et enlevée, comme les ailes d'un moulin. Au demeurant, ceci n'est que mon avis, long et grêle monté sur animal squelettique, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Le rêve d'étain

Quand le rêve déteint, les couleurs explosent et cela donne une histoire « extra » !



Ce livre est avant tout un très bel objet. Papier très épais (qui sent bon encore après toutes ces années, il suffit d'approcher son nez), titre en lettres « d'étain », illustrations remarquables. Avec mes « petites » assistantes nous en avons entrepris une lecture à voix haute. Dès le début nous avons été charmées par la langue si expressive (belles allitérations et assonances) qui fait entendre « le bruit bourdonnant de la barbe à papa, ou encore celui plus pétaradant du pop-corn » (p. 7) et sentir « la tige de tomate » (p. 53).



Le futur est sombre, sent mauvais et on y parle avec des termes anglais (traduits en bas de page). La protagoniste s'adresse directement aux lecteurs qui sont ainsi comme happés par l'histoire.



Bravo pour votre imagination petits auteurs (devenus grands) et à votre professeur ! Rassurez-vous nous comptions bien parler de vous. Dans la postface (« L'histoire de l'histoire », p. 54 à 57) on apprend avec émotion que « [nous avons] entre les mains le travail pédagogico-littéraire accompli par un professeur de français avec des collégiens de sixième ». « Il s'agit de la 6 ème 7 du collège Stendhal de Grenoble (1998/99) ». Vous méritez tous notre reconnaissance !



L'enseignant décrit très bien cette « aventure » qui vaut largement le détour : « du moment qu'on partait ensemble quelque part, à cheval sur l'imagination, dans une autre dimension, ils étaient là à participer, à vibrer pour un oui ou un non, à défendre chaudement tel ou tel personnage, à s'emballer pour une farce ou un quiproquo. […] Même les quelques nécessiteux du lexique ou les petits handicapés de la grammaire y trouvaient leur compte ».
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Don Quichotte

Dans ce conte à épisodes, histoire à n'en plus finir d'une grande drôlerie,

Cervantes nous invite à rire de la folie de son héros à la tête farcie de ces absurdités que l'on trouve dans les romans de chevalerie — genre très prisé notamment en Espagne entre 1300 et 1600, où tout le monde aime à en écouter (on en fait des lectures publiques) ou à en lire, le peuple comme les têtes couronnées.



Parodie désopilante des romans de chevalerie, véritable critique sociale au moment où la puissance espagnole connaît une crise décisive, Don Quichotte est aussi une oeuvre émouvante. Peut-être parce qu'elle a beaucoup à voir avec la vie mouvementée de Cervantes, qui fut blessé pendant la bataille victorieuse de Lépante contre les Turcs, puis plus tard emprisonné à Alger pendant cinq longues années en attente d'être racheté.



Des épisodes traumatisants qui furent malheureusement suivis d'autres. Mais si toute sa vie Cervantes rencontra des difficultés familiales, professionnelles et financières, celles-ci ne furent sans doute pas étrangères à l'ironie tendre et la bonté foncière portées à ses personnages, qui d'une oeuvre d'une modernité immarcescible en ont fait un inoubliable chef-d'oeuvre d'une humanité profonde.



Challenge MULTI-DÉFIS 2020

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Don Quichotte

L'avantage d'avoir peu de grands lecteurs dans son entourage, c'est de pouvoir découvrir les grands classiques comme les sorties littéraires du mois, sans avoir la moindre idée de ce qui nous attend. De don Quichotte, je ne connaissais qu'une très vague histoire de moulins, qui a d'ailleurs le bon goût d'apparaître très tôt dans le livre, faisant des 1400 pages restantes une surprise continue.



Cervantès développe le thème, qui reviendra à chaque nouveau média, du virtuel qui contamine le réel : à force de lire des romans de chevalerie, don Quichotte se persuade que le monde est peuplé de géants vindicatifs, de princesses désespérées et d'enchanteurs malicieux. Il décide alors de ressusciter l'errante chevalerie, et se met en route, avec une vieille rosse, une armure de carton, et Sancho, son écuyer d'une naïveté sans égale, en quête de royaumes à sauver et d'orphelins à défendre.



Et ces aventures, contre toute attente, le duo les trouve ! L'imagination débordante de don Quichotte lui fait prendre les moulins pour des géants, et les troupeaux de moutons pour des armées en campagne. Devant son comportement étrange, certaines personnes s'énervent et en viennent aux mains, devenant dans l'esprit du chevalier un duel dans les règles de l'art. D'autres s'amusent à leurs dépens en les plaçant dans des situations impossibles. Même quand le pot aux roses est sur le point d'être découvert, les incohérences sont mises sur le compte d'un enchanteur particulièrement tenace.



Je m'attendais bien à tomber sous le charme désuet des livres anciens avec celui-ci, mais certainement pas à rire autant. Que ce soit dans les situations ou dans les répliques, le mélange de sagesse et de folie fait souvent mouche. J'ai aussi trouvé l'écriture étonnamment moderne (caractéristique du roman ou tour de force du traducteur?). Ce roman m'a accompagné pendant deux mois, et c'est avec regret que j'ai tourné la dernière page. Les classiques, ça fait peur, mais c'est souvent payant !
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Don Quichotte

CDXLVIIMXIX

Qui traite de mes impressions de lecture sur les aventures d'un Chevalier Errant



Les Moulins de Don Quichotte (à pas confondre avec ceux de Michel Legrand). Voilà l'image d'épinal pour l'imaginaire collectif, notamment des espagnols pour qui le Quichotte est un livre incontournable du parcours scolaire. La France a connu les farces de Rabelais, avec Cervantès, l'autre versant des Pyrénées n'a rien à nous envier.



Avec Don Quichotte et Sancho Panza, Cervantès invente, avec génie, le duo comique. Ce duo nous parait aujourd'hui familier et répandu, le cinéma s'en est largement emparé. L'humour débridé, les nombreux gags potaches, qui ont besoin de la personnalité de l'un comme de l'autre pour fonctionner semblent nous indiquer une permanence dans le comique. En effet, quatre siècles plus tard nous rions encore des quiproquos, de la bêtise et de la folie et les sketches « bigardiens » n'ont rien à envier à la scène déconcertante de la colique de Sancho Panza que l'on pourrait écrire à l'identique aujourd'hui !



Avoir un léger « background » en littérature chevaleresque n'est pas un prérequis mais peut être un atout utile, qui m'as sans doute manqué, car la dérision de Cervantès n'est pas hors sol (codes, errance, pénitence, langage etc) mais, en plus d'être très érudite, elle aime à détourner nombre d'oeuvres connues des afficionados de cette littérature, condamnée par l'Eglise, mais adorée par les puissants eux-mêmes comme Charles Quint ou François Ier.



Cervantès aime à nous faire croire que cette oeuvre monumentale a été rapportée par un historien maure et ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard, certaines exégèses de son oeuvre y voient une forte influence arabe.



Mise en abime. C'est aussi un roman à « épisodes » à l'image de l'Heptaméron de Marguerite de Navarre, où nous laissons à plusieurs reprises l'intrigue principale de l'Hidalgo de la Mancha pour nous plonger dans des contes ou longs souvenirs narrés par les personnages eux-mêmes. Cela peut parfois être exaspérant pour le lecteur qui a l'impression de lire plusieurs livres en un mais cela participe de l'intérêt du livre.



« La bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté, si elle n'est pas éclairée ». Don Quichotte me semble être l'incarnation de cette phrase d'Albert Camus. En effet alors même que Don Quichotte s'engage sur un code d'honneur moral sans faille, dans la réalité (qu'il perçoit si peu) il fait exactement l'inverse. Qu'il libère des prisonniers justement condamnés ou qu'il pense faire le bien en libérant un serviteur qui sera, dès son départ, roué doublement de coups, chaque fois qu'il entreprend de venir en aide à son prochain, l'enfer étant pavé de bonnes intentions, cela se termine mal, sans mentionner les nombreuses fois où, aveuglé par le folklore de son imaginaire chevaleresque, il s'attaque gratuitement à de simples voyageurs ou passants sans aucune raison. C'est le paradoxe de Don Quichotte qui nous pousse à réfléchir sur la notion d'intention et sur celle de conséquence.

A l'heure du bilan, suffit-il de vouloir faire le bien ou n'importent que les conséquences positives y compris d'une action que l'on voulait nuisible au départ ?



Ensuite, comme l'explique dans sa contre-histoire de la littérature Michel Onfray, pour Don Quichotte, le réel n'a pas eu lieu. Cela est immanquablement illustré par ses dialogues avec Sancho Panza qui s'évertue à le confronter au réel (alors même que le curé et le barbier savent que pour venir à bout de l'entêtement de l'Hidalgo, il faut entrer sur son terrain, dans son jeu).

A chaque fois qu'il est rattrapé par l'évidence, Don Quichotte met toute sa volonté, toute sa foi, et toute son intelligence à la fuir, à la contester, Onfray parle de « dénégation ». Il fait le lien avec notamment la politique, hypertrophie de la dénégation. On se crée un monde illusoire et cohérent et surtout lorsque la réalité nous rattrape, lorsque l'on est pris la main dans le pot de confiture, toute la rhétorique est mobilisée pour nous dire que ce n'était pas notre main, et que ce ne n'était pas non plus un pot de confiture.



L'imaginaire n'est excusable et admis que chez les enfants et les vieillards n'est-ce pas ? Qui imagine un homme, dans la force de l'âge, intégré dans la société, commencer à jouer la comédie, à inventer sa vie. Qui peut devenir chevalier sans passer son “diplôme”, sans être coopté par ses pairs, dans son milieu ? Il n'y a que deux formes d'inventions permises dans la société, la catharsis du théâtre ou du cinéma, confiné à un espace limité, et l'hypocrisie sociale, la « communication ». Autrement, la société a prévu des infrastructures psychiatriques où isoler les fous.



Mais Don Quichotte, avec ses chimères et son panache, n'a cure de ces conventions sociales, il s'autorise l'imaginaire, il va vivre plusieurs vies en une. Est-ce pour fuir l'ennui de n'être que soi ? Valéry écrivait « mon possible ne m'abandonne jamais », l'Hidalgo n'est il pas simplement à la recherche de son « possible » ? N'a-t-il pas décidé qu'il vivrait son « possible » dès à présent, sans se confronter aux obstacles qu'une carrière de chevalier lui infligerait dans la vraie vie ?


Lassé des pastiches et des usurpateurs avides de faire du commerce sur le dos de l'Hidalgo, Miguel de Cervantès reprendra la plume, près de quinze ans plus tard, pour faire revivre son Don Quichotte dans un second tome.



“Toi chevalier, avec ta droite épée

Dans les bois rigides, tu poursuivras

Ton pas, le temps que dureront les hommes,

Imperturbable, illusoire, éternel”

Jorge Luis Borgès.



LXVCIXIVI

Où d'autres lecteurs donnent leur avis sur les aventures de l'Hidalgo Don Quichotte de la Mancha : Qu'en pensez-vous ?
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Don Quichotte

Don Quichotte, c’est avant tout une guerre littéraire que Cervantès entreprend en faveur d’une littérature plus réaliste et originale contre les romans de chevalerie qui sont, d’une part, pleins de rêve et de magie, et d’autre part, une répétition à l’infini autour d’un même thème jusqu’à la saturation.

L’absurdité et le ridicule de l’idéal chevaleresque seront d’abord exposés par le biais du personnage de Don Quichotte, ce petit provincial à qui les romans de chevalerie ont tourné l’esprit à un tel point qu’il se croit réellement chevalier en mission dans un monde rempli de sortilèges et d’enchantements. Comme tout chevalier a besoin d’un écuyer, Cervantès lui fournit le secours de Sancho Panza, petit gros bonasse, peureux et superstitieux, mais également doté d’un gros bon sens rusé de paysan. Comme cheval, Don Quichotte devra se résoudre à une rachitique bestiole nommée Rossinante et en guise de dame à aimer, Dulcinée du Toboso, une paysanne des environs qu’il ne verra jamais deviendra l’élue de son cœur. Enfin, toute l’histoire consiste à promener son illuminé sur sa branlante monture avec son paysan d’écuyer dans les parages de leur village où ils s’émerveillent, s’effraient et s’enorgueillissent de leurs mésaventures insignifiantes pour le plus grand plaisir du lecteur.

D’autre part, Cervantès impose son propre style, déjà moderne, en intervenant personnellement afin d’introduire un constant rapport à la réalité au cœur même de son écriture. (À noter que Chrétien de Troyes intervenait aussi déjà personnellement dans ses premiers romans de chevalerie, mais que c’était plutôt pour faire de la surenchère vers le merveilleux que pour ramener son lecteur sur terre.) L’auteur s’amuse aussi à singer l’expression souvent fleurie à l’excès des mauvais romans de chevalerie pour accentuer la bouffonnerie et le ridicule des situations.

Cervantès use également de la position de « fou » qu’il a donné à Don Quichotte pour juger, en étranger d’occasion, les absurdités qui se glissent, par quelque détours de l’histoire, au sein de toutes structures sociales normales, comme le feront Montesquieu dans ses Lettres persanes ou encore Cyrano de Bergerac dans ses voyages sur la lune et le soleil.

Enfin, et c’est l’essentiel pour qu’une œuvre intelligente et brillante devienne un classique de la littérature, le roman, dans tous ses détails, est un véritable plaisir à lire. On se laisse entraîner à survoler les excursions de Don Quichotte, Rossinante et Sancho Panza, toujours le sourire aux lèvres, parfois en riant franchement et même, comme il m’est arrivé quelques fois, en riant au point de devoir interrompre ma lecture car je riais jusqu’aux larmes. Et le plaisir quelque peu extrême qu’a provoqué chez moi ce livre ne date pas d’hier. Prosper Mérimé, dans une préface au chef-d’œuvre de Cervantès, rapporte, en effet, que « Philippe III étant à un balcon de son palais de Madrid...aperçut un étudiant qui lisait au bord de la rivière, riait, se frappait le front et donnait les signes d’un plaisir extraordinaire. « Ce garçon est fou, dit le roi, ou bien il lit Don Quichotte. » Un courtisan s’empressa d’aller demander le titre de ce livre si amusant : c’était en effet le Don Quichotte. »

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Don Quichotte

Que dire si ce n'est de vous encourager à courir acheter ce livre et à le lire ! Enfin, dans la traduction offerte par la collection Points Seuil, bien plus accessible que d'autres pour avoir lu les prologues dans trois éditions différentes.



L'histoire des moulins à vent, ce n'est que la première aventure, il y en a tellement d'autres. Et puis, l'auteur profite de la moindre occasion pour faire l'une ou l'autre digression sur les moeurs de son époque, avec un modernisme étonnant.



Mais surtout, Cervantes nous offre un humour indéfectible, une immense parodie de son temps et c'est fort plaisant à lire. Pour ceux de ma génération, qui ont vu les films des Monty Python, je dirai qu'ils ont dû s'inspirer de l'humour de Cervantes tant le leur est comparable.



Ne vous dites pas, c'est vieux, certes l'ouvrage date, mais pas ces aventures qui m'ont bien divertie.
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Don Quichotte

J'aurai mis le temps à découvrir ce grand classique! Pour être honnête, je redoutais justement le classicisme de ce roman. Je craignais que cette écriture du 17ème siècle racontant les aventures d'un chevalier errant et de son écuyer soit particulièrement ennuyeuse et poussiéreuse... et je freinais des deux pieds à l'idée de me plonger dans la lecture d'un ouvrage de plus de 1 100 pages! Et puis, ce fût une excellente surprise. Nos deux héros, don Quichotte et Sancho sont deux personnages sympathiques et attachants. Ce livre est très drôle, alerte, très agréable à lire, et excessivement moderne. J'ai adoré au point de recommander cette parodie de roman de chevalerie à mes amis lecteurs. Donc ce Cervantès est vraiment une valeur sûre et un roman qui amuse et dépayse. Excellent livre!
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Don Quichotte

Je remercie Masse Critique- Babelio jeunesse de m'avoir offert la possibilité de revisiter l'immense Don Quichotte à travers cette édition pour tout-petits ( les parents sont les bienvenus...), en papier cartonné, superbement illustrée. Quelques pages au graphisme de qualité ( le dessinateur Frédéric Laurent a le trait sûr et les couleurs de ses pinceaux régaleront les pupilles des lecteurs ) permettront aux uns et aux autres de s'immerger dans la légende de ce gentilhomme tellement féru de livres de chevalerie qu'il décide de devenir l'un d'entre eux et de se faire le défenseur des faibles et des opprimés. Ses aventures leur permettront de découvrir ou de retrouver sa monture "Rossinante", son fidèle serviteur " Sancho Panza", sa bien-aimée " Dulcinée du Toboso ", ainsi que quelques uns de ses incontournables combats contre " les moulins-géants ", contre " une armée de moutons ", son duel contre " le chevalier de la Blanche Lune ". Bref un panorama qui met en relief ce que tout un chacun se doit de connaître sur ce mythe monument de la littérature.

Une très bonne surprise, et à l'approche des fêtes, pour un anniversaire ou tout simplement en cadeau pour le plaisir de faire plaisir, je n'hésiterais pas, si j'avais des enfants, des petits-enfants, des neveux, des nièces ou un gamin à qui offrir du rêve intelligent, à me tourner vers ce genre de présent... présent qui donnera sûrement aux lecteurs devenus grands l'envie d'acquérir l'oeuvre originale du grand Miguel de Cervantès...

Un petit livre que je recommande vivement.
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Don Quichotte

Je remercie chaleureusement les Éditions Balivernes ainsi que Babelio pour cette lecture et leur confiance !



Quel plaisir pour les parents d’initier leurs tout-petits à un texte aussi inventif, truculent, joyeux et drôle que le célébrissime roman d’aventure de Miguel de Cervantès « Don Quichotte » devenu un mythe à transmettre de générations en générations.



Le texte adapté pour les tous petits par Pierre Crooks d’après Miguel de Cervantès est un pur bonheur pour petits et grands. En 20 pages, votre tout jeune enfant va suivre cette histoire cocasse qui va le faire rire grâce aux merveilleuses illustrations d’un dessinateur, Frédéric Laurent, qui a déjà travaillé avec les Editions Balivernes pour l’adaptation des « Trois Mousquetaires ».



La collection « Farfadaises » des Editions Balivernes réserve de très jolies surprises. Ma nièce de 5 ans, Léane, a adoré « Don Quichotte » et les illustrations savoureuses de Frédéric Laurent. Un livre qui pour un prix modeste (moins de 10 euro) va faire rire votre enfant, développer son imaginaire, le faire rêver tout simplement.



L’épisode des Moulins à vent pris pour des géants par Don Quichotte est sans doute la plus emblématique des séquences. Don Quichotte et son fidèle destrier « Rossinante », Sancho Panza son modeste écuyer, et des aventures nombreuses pour retrouver la belle princesse Dulcinée de Toboso.. Tout est mis en place pour que texte et illustrations accompagnent aux mieux la lecture des parents et le regard amusé de vos tout-petits.



En ces temps difficile pour les petites maisons d’éditions, les librairies, les illustrateurs, les auteur(e)s, pensez à offrir à vos enfants, neveux et nièces en bas âge, pour les fêtes de noël et pas seulement, des livres des Editions Balivernes. Ils sont un gage de qualité et ils offriront un moment de doux partage entre les parents, grands parents et leurs tout-petits.



« Don Quichotte » c’est intemporel, culte et surtout c’est très drôle. Je tiens à saluer tout particulièrement le travail d’illustrateur de Frédéric Laurent qui est une franche réussite. Je vous recommande chaudement ce « Don Quichotte » paru aux Editions Balivernes.
Lien : https://thedude524.com/2020/..
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Don Quichotte

Un coffret somptueux . Je n'ai pas souhaité qu'il soit emballé dès son achat, pour pouvoir en profiter, juste un peu, avant de l'offrir, cadeau de Noël pour un de mes proches.

Une édition prestigieuse , traduite par Louis Viardot (1800-1886) , illustrée par Gustave Doré (1832-1883). Les dessins sont hyper réalistes, ils expriment avec une rude vérité les physiques, les mentalités, les tourments, ceux de ce pauvre hidalgo utopiste, fiévreux, maboul , de son serviteur, le replet Sancho, de bien d'autres personnages, ils décrivent férocement par de multiples détails cette Espagne du Siècle d'or, riche et rigide , on y retrouve les paysages spectaculaires de Castille et de la Manche, les géants de Consuegra, Don Quichotte dans son lit, agonisant...
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Le rêve d'étain

Il y a dans cette superbe et lucide histoire (un peu « flippante » néanmoins) une citation qui résume parfaitement la situation : « dire qu'il y a des gens qui cherchent à vivre des expériences exceptionnelles ; finalement, la normalité est ce qui se fait de mieux » (p. 42).



Alors le maître mot reste le « rêve » car il est le lieu de liberté par excellence surtout lorsque « les nouvelles des hommes du futur ont de quoi inquiéter » (p. 27).



Très belle réalisation. À lire !
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Don Quichotte



Même si on ne l’a jamais lu, on a l’image du chevalier Don Quichotte dans la tête. Tout le monde sait qu’il s’est battu contre des moulins à vent. Il fait partie des personnages littéraires passés dans l’imaginaire de tous, comme la créature de Frankenstein, Long John Silver et beaucoup d’autres.

Mais aujourd’hui peu de gens le lisent. Il faut dire que les 1400 pages environ du livre peuvent refroidir. Moi j’ai profité d’une intervention des yeux pour l’écouter. La version de ma BM est une traduction d’’Aline Schulman lue par Jean-Pierre Cassel. L’enregistrement ne dure que cinq heures. Il manque donc apparemment un certain nombre de chapitres. Ceci dit j’ai pris beaucoup de plaisir à cette écoute. J‘ai même parfois rit, ce qui m’arrive très rarement en lisant. Si vous avez le moral un peu bas, je vous conseille ces CD, en cas de vraie dépression je ne crois pas que cela suffirait mais pour simplement un ras le bol de l’accumulation de soucis ça peut aider.

Faut-il vous raconter les aventures de ce chevalier qui prend les auberges pour des châteaux, les filles de joie ou les servantes pour des châtelaines et de Sancho Pança, paysan transformé en écuyer qui trouve toujours un proverbe pour illustrer pas forcément de façon appropriée leurs aventures. Sous le rire il y a bien sûr la critique, le mariage contre leur gré des filles, la dureté de la justice, l’Inquisition...

Je recommande ce livre ou si la longueur vous fait peur un enregistrement.

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Don Quichotte

Chaque année, nous avons la preuve que l’hiver est une invitation à ralentir. Le soleil ne se hisse plus au zénith, les animaux entrent dans une léthargie relative et la flore s’est recroquevillée en attendant que l’énergie revienne. Le monde est censé hiberner et s’octroyer un repos mérité après des mois de labeur. Seul un être vivant semble déjouer les lois de la nature. Il s’affaire aux inventaires, aux clôtures de dossiers, aux préparations des fêtes de fin d’année. Il gave son estomac de mélanges en tout genre, et si qualité il y a, c’est surtout la quantité qui prime en cette période particulière.



L’Homme dilapide ainsi des forces nécessaires à son équilibre et se propulse à l’aube du printemps en étant sur les genoux physiquement ou mentalement, voire les deux. Sans doute est-ce là l’une des contradictions majeures de notre époque : nous avons un réel besoin de repos et nous ne saisissons que rarement la main tendue avec la saison hivernale par Dame Nature.



Cette pause est l’occasion de vous livrer une petite analyse d’un monument de la littérature mondiale, j’ai nommé Don Quichotte.



L’histoire:



Alonso Quichano est un noble qui vit à travers sa collection de livres de chevalerie au point d’en perdre la raison et de se mettre sur les chemins de la Manche à la recherche d’aventures plus abracadabrantesques les unes que les autres. Il se fait rebaptiser don Quichotte et est accompagné par Sancho Panza, un écuyer qui le suivra lors de ses aventures. Le but de ces pérégrinations ? Défendre la veuve et l’orphelin et rendre le monde meilleur afin de séduire le cœur d’une certaine Dulcinée … qu’il n’a jamais vu. Don Quichotte déforme ainsi la réalité de bout en bout, prenant des moulins à vent pour des géants, un élevage de moutons pour une armée ou un morceau de ferraille pour le casque d’un illustre chevalier.



Don Quichotte est un roman en deux tomes, l’un publié en 1605 et l’autre en 1615. Il est rapidement entré dans la culture populaire tant et si bien que même des personnes n’ayant jamais lu l’histoire de don Quichotte savent, généralement qu’il s’agit, au minimum, d’un chevalier de pacotille sur sa monture et de son écuyer accompagné de son âne. Telle est la force des personnages devenus cultes.



« C’est alors qu’ils découvrirent dans la plaine trente ou quarante moulins à vent ; dès que don Quichotte les aperçut, il dit à son écuyer :



— La chance conduit nos affaires mieux que nous ne pourrions le souhaiter. Vois-tu là-bas, Sancho, cette bonne trentaine de géants démesurés ? Eh bien, je m’en vais les défier l’un après l’autre et leur ôter à tous la vie. Nous commencerons à nous enrichir avec leurs dépouilles, ce qui est de bonne guerre ; d’ailleurs, c’est servir Dieu que de débarrasser la face de la terre de cette ivraie.



— ... Des géants ? Où ça? »



Dulcinée & le réel fantasmé:



Au-delà de la figure iconique des deux compères, un nom commun de la langue française est hérité de ce roman. Un mot qui est entré dans le langage courant et qui trouve son origine dans cette histoire. Ainsi, quand vous raillez quelqu’un avec des phrases du genre « As-tu trouvé ta dulcinée ? » ou « tu vas retrouver ta dulcinée ? », vous faites référence à Dulcinée de Toboso, la femme imaginée de toutes pièces par don Quichotte.



Si ce roman histoire a traversé les siècles c’est d’abord parce qu’il est considéré comme le premier roman moderne de l’Histoire de la littérature mondiale. Il mélange l’aventure, la satire, l’effet comique et la critique sociale tout en racontant une histoire qui se tient de bout en bout sur plus de mille pages.



L’intérêt majeur de don Quichotte reste son rapport au réel. Il ne cesse de déformer la réalité afin qu’elle coïncide avec son fantasme. Une auberge se profile à l’horizon? Il est convaincu qu’il s’agit d’un château. Il se réveille dans ladite auberge entourée d’outres de vin? Il les détruit une à une, s’imaginant qu’il s’agit d’ennemis dont il fait couler le sang (le vin). Il rencontre des prostituées? Il estime qu’elles sont des dames de la noblesse semblables à celles de ces romans sur la chevalerie.



À force de conviction dans ses délires, il finit même par influencer Sancho Panza, qu’il mène par le bout du nez. Ce dernier aura la certitude qu’il gouvernera un archipel alors qu’il s’agit, de nouveau, d’une divagation parmi tant d’autres.



Conclusion :

L’ingénieux hidalgo don Quichotte de la Manche est un classique qui a marqué la littérature. Il reste un indéboulonnable roman connu à travers le monde et par plusieurs générations de lecteurs. Je lui accorde beaucoup de qualités mais aussi quelques défauts. Est-ce dû à ma méconnaissance des codes culturels hispaniques ? Ce roman m’a, parfois, paru long et répétitif. Le ressort des aventures de don Quichotte est le même à chaque évènement et cela peut finir par lasser le lecteur une fois l’effet de surprise passé. Tout ceci n’est qu’une appréciation personnelle après tout.



À bientôt. 😉
Lien : https://lespetitesanalyses.c..
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Don Quichotte

Ça m’a barbé, saoulé ! Mais j’ai lu les deux tomes jusqu’au bout !

Bon, d’accord, c’est un des premiers romans modernes ;

Bon, d’accord, c’est un classique incontournable ;

Bon, d’accord, dans « Jacques le fataliste », je crois, Diderot reprend le style « Don Quichotte » ;

Bon d’accord, même Zorro reprend les personnages ;

Et même jusqu’à Laurel et Hardy ou Sherlock Holmes et Watson !

Mais je suis « passé à côté », comme on dit ici.

Et puis cette chimère, ce fantasme perpétuel à propos de Dulcinée qui n’a rien à faire de lui !

Il y a aussi cette semi-crédibilité de Sancho, qui est fasciné par les délires de Don Quichotte, comme la proie par un naja, mais qui se dit sans-doute : « Quand même, il décanille un petit peu « 😊

.

Pauvre Don Quichotte.

Il y a quand même un moment qui m’a fait éclater de rire, c’est la charge des moulins à vent !

Mais c’est tout.

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Don Quichotte

Publié en Espagne au début du XVIIème siècle, Don Quichotte de la Manche, se révèle être un roman des plus plaisants, même lu plusieurs siècles après sa publication.



A l’origine, il s’agissait d’une critique de la société espagnole qui prend la forme d’une critique des romans de chevalerie et des mœurs de la noblesse. Lu dans d’autres temps et d’autres lieux, ce roman est devenu une sorte de métaphore qui n’est pas sans faire penser au roman Le Joueur d’échecs de Stefan Zweig. Le parallèle est certes osé, mais aujourd’hui nous pouvons y trouver comme une mise en garde à l’encontre des passions qui risquent de devenir dévorantes.



Même plusieurs siècles après sa parution, le texte est limpide et plaisant. Il se lit d’une seule traite, d’autant que le texte intégral regroupe les deux parties, qui étaient scindées à l’origine. Les personnages suscitent des sentiments qui ne cessent d’évoluer. Ainsi le principal intéressé suscite à la fois de la pitié, de la colère (lorsque qu’il envoie Sancho faire son sale travail et surtout prendre des coups), de l’agacement et à nouveau de la pitié. Il en est de même pour Sancho Pança (ah ses proverbes, que du bonheur).



Il est impossible de s’ennuyer ici, d’autant que le texte est découpé en courts chapitres avec une petite avant-première de ce qui va suivre. Difficile de rester insensible... Il est impossible de lâcher le texte en court de route. La langue est proche de la nôtre (aussi faut-il saluer l’excellent travail de traduction qui relève ici de l’art).



Il s’agit d’un grand classique de la littérature mondiale qui saura vous faire passer de bons moments. Lire ce roman lors d’un voyage en Espagne n’est pas un prérequis, mais cela pourra encore renforcer l’immersion.
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Don Quichotte

Il y a déjà longtemps que j'ai lu ce livre mais j'en garde un très bon souvenir, c'est un roman, un conte, une aventure initiatique. c'est facile à lire, on est entrainé par cette histoire aux multiples rebondissements et on suit avec grand plaisir les aventures de ce "chevalier à la triste figure"

Un grand classique à ne pas rater.
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Don Quichotte

George Steiner disait : « demandez à un homme s'il préfère Tolstoï ou Dostoïevski et vous connaitrez le secret de son coeur ». A l'appui de son assertion il faisait, évidemment, une brillante démonstration sur le caractère inconciliable des philosophies de ces deux géants.

J'aurais peut-être l'air de brasser du vent, tel un moulin, à risquer une analogie, mais lisant Don Quichotte, riant d'abord comme rarement, des frasques de ce sympathique hurluberlu, m'émerveillant de son style et par lui, de celui de Cervantes, qui parviennent, l'un et l'autre, à se renouveler malgré une certaine répétition des situations, je me suis soudain pris à penser que si ce roman avait marqué l'histoire, s'il avait fait date, c'est peut-être qu'il invitait aussi, chacun, à prendre un parti.



C'est au chapitre XXII, pour ma part, que j'ai cru lire que la question m'était posée. Et plus encore, que j'ai cru comprendre que j'étais peut-être moins partisan de Cervantes ou de certains de ses lecteurs, qui voient en lui le pourfendeur de l'esprit d'antant que du héros à la triste figure, bientôt Chevalier aux lions.

Bien sûr il m'amusa encore : comment la marionnette de Miguel, quoique celui-ci fut, comme l'on sait, manchot depuis la bataille de Lépante, pourrait-elle lui échapper ? Comment l'artiste, pourrait-il lui céder le beau rôle ? Et pourtant, me semble-t-il : c'est lui qui le tient. A tout le moins, je lui accorde.

Don Quichotte serait le premier des romans modernes, s'évertuant par mil aventures et mises en scènes grotesques, à faire d'un chevalier un pauvre fou, transformant ses aventures en un récit picaresque (de l'espagnol « picaro » qui signifie « misérable »). Je vois, pourtant, la seule noblesse qui vaille dans ces valeurs d'honneur et d'amour dévoué, de don de soi et de sacrifice que porte haut notre Don Quichotte ; de désintérêt pour l'avoir et, malgré une certaine grandiloquence, de mépris pour la rationalité, pour le pleutre calcul des chances, pour le cynique individualisme et le « plein de soi » qu'incarne Sancho Pansa, dont le nom même est le symbole d'une seule quête. Comment ne pas s'attendrir pour Alonso Quichano dont l'amour est une fidélité à toute épreuve ? Comment ne pas louer la bravoure de cet hidalgo dont la seule mission n'est pas d'amasser les victoires à bas prix et les fortunes à bon compte, mais de servir la justice par monts et par vaux, aux profits des plus humbles et des déshérités ? Comment railler, avec les générations suivantes, cet âge qu'on dit Moyen, ces siècles que l'on salit, jusqu'en faire des siècles obscurs entre brillante Antiquité et glorieuse Renaissance lorsque, précisément, de part et d'autre, l'homme n'y fut jamais moins libre, jamais plus asservi par des maîtres tyranniques ; quand, encore, ces "sociétés", gargarisées du nom de civilisations ou d'empire, furent le théâtre d'une seule entreprise : la conquête et son cortège de violences sans foi ni loi et d'injustices criantes ; l'exact inverse de la chevalerie ?



Oui, j'ai pensé à George Steiner et aussi à Georges Duby, et son Guillaume Maréchal, "le meilleur chevalier du monde", modèle de vertu chevaleresque lorsque celle-ci régnait encore. Mais à l'heure où Miguel de Cervantès rédige sont Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, la roue a déjà tourné : la curialisation de la noblesse est en cour, et avec elle l'avènement de l'État militarisé, le célèbre monopole de la violence légitime au profit d'une classe riche, et la construction, même, de ses appareils idéologiques (institutions culturelles), des décomptes (registres), l'harmonisation progressives des poids et mesures (unification), des langues et des cultures (standardisation), etc.

Quel projet est donc le plus fou : celui de voir dans des moulins à vent, manifestation d'une proto-industrialisation, des géants qui écraseront l'homme et épuiseront la terre et que Don Quichotte estime qu'il faut à tout prix terrasser, ou celui de n'y voir que de simples et inoffensives machines permettant de mécaniser le travail ? Les luddites, quelques années plus tard, comprendront fort bien l'enjeu, lorsque les moulins cèderont la place aux machines tueuses de bras. Quel spectacle est le plus navrant : celui de voir un homme seul (ou tout comme) chercher à renverser le sort de misérables condamnés aux galères ou celui de nous voir nous habituer à ces situations d'enchainement d'hommes par d'autres hommes ? Croyons-nous vraiment que nous sommes plus libres, égaux et fraternels derrière nos écrans, endettés, reliés au travail par un lien de subordination (et aujourd'hui confinés pour nous prémunir d'un virus) ou sont-ce les serfs, les marchands ou forgerons, qui logeaient à 10 dans une masure, certes, chauffée au feu de bois et parfois allant nus pieds, mais sur lesquels aucune banque n'avait d'emprise (et pour cause), pas davantage que sur un lopin de terre qu'ils pouvaient exploiter en propre (ou en commun) pour faire pousser de quoi être autonomes ? Et qui œuvraient, sans surveillance, ou guerroyaient bien moins de jours dans l'année que nous n'en passons à travailler ? Sommes-nous plus éduqués par une presse aux mains de milliardaires que ne l'est Don Quichotte par son ouvrage de chevalerie ? N'est-il pas aussi "éveillé" que nous lorsqu'il comprend qu'Homère, était homme de son temps et que telle doit être la poésie, nous qui regardons Cervantès comme indépassable ?



Michel Onfray me semble avoir tort de faire de Sancho le véritable héros du texte : Sancho, aussi sympathique puisse-t-il parfois être, est dans l'avoir, le gain, l'accumulation, la préservation de soi avant tout, une raison toute orientée vers l'intérêt personnel, bassement égoïste, platement égocentrée, ce qu'il appelle (Onfray) : le bon sens. Or, le « bon sens » n'existe pas ! C'est le sens dominant (il devrait le savoir), un sens/un point de vue qu'on ne questionne pas, ou plus, ou qu'on aimerait ne plus voir questionné : et que l'on impose, donc, comme une évidence, la seule réalité possible. Pourtant, quelle est la vertu d'un Sancho qui, enfin gouverneur, fuit ses responsabilités et n'entend rien d'autre que gouverner sa panse ? Comment prétendre le comparer à celui qui donnerait sa vie pour celle qu'il aime ? Pour des condamnés ? Pour défendre son nom bien plus que son crouton ?



Cervantès, en se gaussant de Don Quichotte, participe de (parachève ?) cette entreprise d'imposition d'une nouvelle « vertu », d'un nouvel « esprit », d'une nouvelle ère : l'avènement de l'homme pour soi, de l'homme qui se suffit, qui est sa propre vérité, et dispose du monde plutôt qu'il n'y cherche sa place. Par son roman il participe à l'entreprise d'imposition de ce que ce doit être qu'être "digne", "grand", "vrai", "vertueux" ; et pour mieux le faire comprendre, il stigmatise, il voue au ridicule, l'âme chevaleresque - ses valeurs ancestrales, ses principes irrationnels, ses vains combats, ses amours folles, ses gloires immatérielles, ses hiérarchies célestes, ses représentations illuminées. La modernité serait, elle, devrait s'attacher à être : tout l'inverse.

Eh bien je suis du côté d'Alonso Quichano, le chevalier Don Quichotte, et contre la modernité qui écrase l'homme qu'elle prétend libérer. Je sais malgré tout, pourtant, le meilleur gré au siècle d'« or » (dont on oublie qu'il fut volé, et capté par une poignée seule de riches dominants dont l'esprit fut rien moins que chevaleresque), et à son enfant Miguel Cervantes de m'avoir offert cette lecture magistrale.

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Don Quichotte

L'auteur bien sûr est le maître de la satire quand il nous décrit ces deux héros à contre courant dans leur costumes trop larges pour Don Quichotte et trop étroit pour Sancho. Il est cependant aussi un admirable observateur de la société de sont temps qu'il nous décrit avec ses travers guindés.

Mais l'art véritable de Cervantes, c'est que, à travers de ses moqueries, il nous les fait aimer ces deux pauvres pantins qui comme nous, traversent leur époque se sentant investis d'une quête mais sont toujours une guerre ou deux en retard.
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Don Quichotte

Le roman narre les aventures (ou plutôt les mésaventures) de Alonso Quichano, auto-nommé Don Quichotte de la Manche.



Don Quichotte est un noble espagnol aimant plus que de raison les romans de chevalerie et qui, du jour au lendemain, se prend pour un chevalier errant et sitôt son armure, aussi factice que sa nouvelle identité, assemblée, part sur les routes pour éradiquer le mal en ce monde.



Il rencontrera Sancho Panza, paysan de son état, qui bien que sachant son nouveau maitre fou à lier, le suivra dans sa quête et son délire dans le seul but de manger à sa faim.



Peu importe la réalité à Don Quichotte. Un homme le rosse et le lendemain, il narre son prodigieux combat face à la multitude.



De plus, son œil interprétant le monde autour de lui, les auberges deviennent des châteaux, les paysannes deviennent des princesses, les moulins deviennent des géants aux nombreux bras.



Il se croit aussi persécuté par de puissants magiciens et amoureux d'une dulcinée irréelle.



Que dire de ce grand classique ?



Moderne, en tout cas pour son époque, tant dans le genre que dans la forme (Cela m'a d'ailleurs grandement facilité la lecture).



Drôle, de par les actions du héros et ses réflexions entrainés par sa vision empreinte de folie sur le monde extérieur.



Magnifique, car même si le fond est soigné, la forme n'est pas laissée pour compte, et ce malgré le passage de la traduction :



"Belle et noble dame, j'aimerais pouvoir payer de retour l'insigne faveur que vous me faites en dévoilant à mes yeux votre beauté sans égale. Mais la Fortune, qui jamais ne se lasse de persécuter les gens de bien, m'a jeté dans ce lit, moulu et brisé, de sorte qu'il me sera impossible, malgré tout le désir que j'en ai, de satisfaire le vôtre. A cette impossibilité s'en ajoute une autre plus grande encore: c'est la fidélité que j'ai promise et jurée à l'incomparable Dulcinée du Toboso, unique dame de mes plus secrètes pensées. Sans cet obstacle majeur, je ne serais pas assez sot pour laisser passer cette heureuse occasion, que dans votre immense bonté vous avez daigné m'offrir".



J'imagine qu'il doit être certainement plus plaisant de le lire en VO mais ma maitrise de la langue de Cervantes ne me permet pas d'en profiter.



Profond, car au travers du regard du héros, l'auteur se livre à un véritable étude sociologique.



En effet, la position décalé du personnage lui offre certainement une place privilégié pour analyser ses contemporains.



Il est curieux aussi de voir que si le personnage de Sancho évolue, du paysan assez basique au gentilhomme cultivé, Don Quichotte, lui, ne dévie pas d'un iota de sa trajectoire, restant fidèle à lui même jusqu'à son brutal retour à la réalité.



Au final, ce fut pour moi une excellente découverte et un tout aussi excellent moment de lecture.
Lien : http://lombredeskarnsha.blog..
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