Le 13 novembre 1945 l’Assemblée des cardinaux et archevêques de l’hexagone répudie le cléricalisme défini comme l’immixtion du clergé dans le domaine politique de l’État, et admet la laïcité de la République, entendue comme souveraine autonomie de l’État dans son domaine temporel. Ce domaine est toutefois restreint à tout ce qui relève de la technique politique et économique. Pour le reste, le texte rappelle que la volonté de l’État de ne se soumettre à aucune morale supérieure doit rester une aberration dangereuse et fausse. La loi ne peut être définie comme l’expression de la volonté générale puisque seule mérite le le nom de loi celle qui ne contient rien de contraire à la loi naturelle, c’est-à-dire la volonté de Dieu, auteur de la nature.
La loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public a profondément déstabilisé l’appréhension commune de la portée du principe de laïcité, et même de son contenu.
Souvent citée – y compris par les plus hautes autorités publiques – comme une « loi de laïcité », elle poursuit pourtant trois objectifs tout à fait étrangers à la séparation des Églises (ou des religions) et de l’État : protection de la sécurité publique, défense de la liberté et de l’égalité face à la « situation d’exclusion et d’infériorité » où se trouvent placées, aux yeux du législateur, les femmes qui dissimulent leur visage, et sauvegarde des « exigences minimales de la vie en société ».
Dans le camp républicain arrivé au pouvoir en 1879, qui entreprit de laïciser les institutions, la société et les mentalités, plusieurs courants coexistaient [Boutry, in Becker et Candar, 2005] : le courant gallican, qui opposait « les droits de l’État à celui de ce “corps particulier” qu’est l’Église dans la tradition juridique des Lumières » ; le courant spiritualiste et déiste, professant une forme ou une autre de religion naturelle « sans dogme et sans clergé » ; le courant agnostique, acquis à un idéal positiviste, scientiste et naturaliste ; le courant de l’athéisme militant, qui misait sur la laïcité pour en finir, une fois pour toutes, avec la religion.
Bien plus qu’une forme d’organisation du pouvoir, la République est, en France, un ensemble de principes, de valeurs, de lieux et de symboles qui renvoient à notre histoire contemporaine » : le programme La République en actes veut annoncer un nouveau départ, mais cristallise en réalité une évolution amorcée au début des années 2000. Lorsqu’il proclame qu’il faut mieux faire connaître les « principes, valeurs, lieux et symboles » de la République, le gouvernement ne fait que reprendre des propositions formulées dans de nombreux rapports publics, et déjà mises en œuvre dans certains secteurs de l’action administrative.