Il se tient droit, raide, dans une espèce de dignité, d’orgueil des pauvres gens soumis au diktat de l’arrogante cité où la tenue vestimentaire constitue dorénavant l’unique indicateur de respectabilité. La chemise est tirée à la taille pour disparaître dans le pantalon, sous une grosse ceinture noire. Le pantalon, certainement trop large, songe-t-elle, remonté très haut, se plisse autour de la ceinture, puis laisse flotter les jambes sous l’épaisse toile bleue. Ses vieux mocassins bâillent légèrement par endroits. Ses cheveux grisonnants frisottent autour de l’oreille.Il tourne parfois la tête pour examiner le compteur : cinquante-huit, cinquante-neuf, soixante, puis re-cinquante-neuf. Légère protestation des clients. Le compteur fait donc marche arrière, puis le voilà qui s’arrête.