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Citation de R-MDominik


En premier lieu, nous n’aimons pas être appelés « réfugiés ». Nous-mêmes nous désignons comme des « nouveaux arrivants » ou des « immigrés ». Nos journaux s’adressent aux « Américains de langue allemande » ; et, autant que je sache, il n’a jamais existé d’association fondée par les populations persécutées par Hitler dont le nom indiquerait que ses membres sont des réfugiés.
D’ordinaire, un réfugié est une personne contrainte à demande asile pour avoir commis quelque acte ou défendu une opinion politique. Eh bien, il est vrai que nous avons cherché refuge ; mais nous n’avons commis aucun acte répréhensible et la plupart d’entre nous n’ont jamais caressé l’idée de proclamer quelque opinion subversive. Avec nous, le terme « réfugié » a changé de sens. Les « réfugiés » sont désormais ceux d’entre nous qui ont connu un malheur tel qu’ils ont dû immigrer, sans ressources, dans un autre pays et trouver de l’aide auprès de Comités de Réfugiés.
Avant que cette guerre n’éclate, nous témoignions d’une sensibilité plus grande encore quant à cette dénomination. Nous entendions prouver au reste de la population que nous n’étions que des immigrants ordinaires. Nous soutenions être partis de notre plein gré dans un pays de notre choix et refusions d’admettre que notre situation eût quoi que ce soit à voir avec les « prétendus problème juifs ». Oui, nous sommes des « immigrés » ou de « nouveaux arrivants » qui avons quitté notre pays parce qu’un beau jour, y résider ne nous convenait plus ou bien pour des raisons purement économiques. Nous voulions refaire notre vie, c’est tout. Et pour refaire notre vie, il faut user de courage et être porté à l’optimisme. Nous étions donc très optimistes.
Notre optimiste est effectivement admirable, même si c’est nous-mêmes qui le proclamons. Le récit des épreuves que nous avons traversées est désormais connu. Nous avons perdu notre foyer, c’est-à-dire la familiarité de notre vie quotidienne. Nous avons perdu notre travail, c’est-à-dire l’assurance d’être de quelque utilité en ce monde. Nous avons perdu notre langue, c’est-à-dire le naturel de nos réactions, la complicité de nos gestes, l’expression spontanée de nos sentiments. Nous avons abandonné nos parents dans des ghettos de Pologne et nos meilleurs amis ont péri dans des camps de concentration, ce qui signifie que notre vie privée a été brisée.
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