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Citation de Ahoi242


L'État et l'armée - comme l'ont bien montré P. Virilio, W.E. Scheuerman, C. Tilly ou M. Eberling, mais aussi A. Giddens et H. Münkler - représentent donc des facteurs d'accélération historiquement déterminants, puissamment efficaces, et qui ont joué un rôle "maïeutique" essentiel dans la naissance de la dynamique de l'intensification moderne et du développement des pratiques temporelles contemporaines. Ils semblent cependant, partager partager le sort de toutes ces institutions de la "modernité classique" que j'ai déjà pu présenter : elles sont, dans la modernité avancée, menacées d'érosion par les forces de l'accélération qu'elles ont elles-mêmes déchaînées, parce qu'elles sont devenues, dans leur mode de fonctionnement et précisément en raison de leur stabilité, des freins plutôt que des accélérateurs, autrement dit des entraves à la vitesse.

Avant d'en arriver là, il a cependant fallu emprunter un long chemin historique au cours duquel l'État territorial moderne a bousculé l'immobilité sociale des États précédents dans presque tous les domaines. L'accélération des processus sociaux et des transactions fut en particulier une conséquence de l'uniformisation des conditions de l'action à l'échelle de l'Etat territorial moderne et de son développement. L'unification progressive de la langue nationale, des devises, des fuseaux horaires, des systèmes d'éducation, de la législation, des systèmes administratifs, du régime fiscal, des infrastructures et des organes de direction centralisés apparut, en particulier grâce à la disparition des obstacles internationaux aux transactions et aux traductions, comme un gigantesque accélérateur du développement et de la circulation. Par la construction d'infrastructures, par l'amélioration de las sécurité juridique et commerciale, par la conquête du monopole de la force (et de l'impôt) à l'intérieur, comme par la garantie d'une relative sécurité vis-à-vis de l'extérieur, l'État-nation créa les conditions d'une planification fiable et sûre à long terme, indispensable au déploiement systématique de l'accélération scientifique et technique, économique et industrielle.

Le droit moderne autorisa, lui aussi - par opposition au droit coutumier ou aux conceptions statiques du droit naturel -, une adaptation dynamique à des besoins qui se transformaient, de même que les démocraties naissantes faisaient preuve d'une capacité d'adaptation. et de réaction supérieure à celles des monarchies traditionnelles. Dans le même temps, l'État moderne, par la mise en place de bureaucraties, se donna un instrument de décision et d'action extrêmement efficace, bien supérieur à tous les systèmes passés en termes de fiabilité et de rapidité, en particulier lorsqu'il s'agissait de se procurer et d'exploiter des ressources (avant tout les recettes fiscales) et des informations . Grâce à lui, les États modernes prospères ont connu une accélération inouïe de leur développement technique, économique et social, par la voie de la réglementation étatique et de bureaucratique et par le gouvernement politique des processus sociaux.

La concurrence, qui mettait principalement aux prises les États européens dans leur lutte pour l'expansion territoriale ainsi que la conquête et la mise ne valeur de colonies toujours plus lointaines fut en outre, pendant une longue période, l'une des causes principales de l'accélération technique des transports et des communications: les États nationaux étaient contraints d'investir massivement dans ces technologies, sous la forme de programmes civils et militaires, afin de ne pas se laisser distancier dans la lutte pour se procurer des ressources, débouchés et territoires. on peut alors comprendre la modernisation comme d'accélération de l'État centralisé, dont les motifs consistaient essentiellement dans la poursuite politique de l'accumulation et du maintien du pouvoir, dans le cadre d'un système d'États territoriaux rivaux qui commença à se constituer après les traités de Westphalie.
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