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Didier Renault (Traducteur)
EAN : 9782707154828
480 pages
La Découverte (01/04/2010)
4.3/5   41 notes
Résumé :
L'expérience majeure de la modernité est celle de l'accélération. Nous le savons, nous le sentons : dans la modernité, « tout devient toujours plus rapide ». Or le temps a longtemps été négligé dans les analyses des sciences sociales sur la modernité au XXe siècle. La sociologie s'est principalement intéressée à des questions de rationalisation, d'individualisation, etc. C'est cette lacune que Hartmut Rosa tente de combler avec son ouvrage, qui livre une théorie sys... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Blitzkrieg, fast-food, speed run, speed meeting, speed dating, power-nap, speed-reading, drive-through-funeral, multi-tasking…. sont des caractéristiques des sociétés de grande vitesse* ou de l'accélération dans lesquelles nous vivons désormais selon le philosophe et sociologue allemand Hartmut Rosa. Selon Rosa, l'accélération est ce qui caractérise en effet la modernité tardive (apparue dans les années 1970) par opposition à la modernité**.

En langue française, la thèse de l'accélération de Rosa est disponible dans deux ouvrages, Accélération: Une critique sociale du temps (2005 en langue allemande, 2010 en langue française) et Accélération et aliénation (2010 en langue anglaise, 2012 en langue française) ainsi que des articles ici et là sur le Web ou dans des revues et des journaux physiques.

La lecture de Accélération: Une critique sociale du temps est facilitée par celle de Accélération et aliénation. Dans celui-ci, plus bref, plus rapide, Rosa résume sa pensée présentée dans celui-là et la prolonge en s'arrêtant sur le lien entre l'accélération et l'aliénation. L'aliénation n'est pas réellement présente dans Accélération: Une critique sociale du temps, même si l'expérience du stress et du manque de temps de nos sociétés et époques contemporaines y est abordée. Ce détour de production par la lecture de Accélération et aliénation rend plus familière et aisée la lecture de cette critique*** sociale du temps très détaillée, très documentée et très passionnante pour comprendre notre époque et pour quelles raisons nous évoluons sur des « pentes qui s'éboulent ».

L'accélération sociale - il s'agit d'un cycle de l'accélération - est un système fermé et autopropulsé dans lequel trois formes d'accélération interagissent :

- une accélération technique ou technologique (c'est l'accélération technologique (impliquant des machines) de processus orientés vers un but (p. 94)) dont le moteur externe est d'ordre économique,

- une accélération du changement social (c'est l'augmentation du rythme d'obsolescence des expériences et des attentes orientant l'action et un raccourcissement des périodes susceptibles d'être définies comme appartenant au présent, pour les diverses sphères des fonctions, des valeurs et des actions (p. 101)) dont le moteur externe est d'ordre socio-culturel,

- une accélération du rythme de vie (c'est l'augmentation du nombre d'épisodes d'action ou d'expérience par unité de temps (p. 102)) dont le moteur externe est d'ordre culturel.

Comme l'écrit Rosa, ces trois formes d'accélération "en sont venues à s'emboiter en un système de feedback qui s'anime tout seul sans relâche" (Aliénation et accélération, p. 41).

Certes, des forces de décélération sociale ou d'inertie, comme les limites naturelles de vitesse (par exemple les durées de gestation), les oasis de décélération (des Amish à certaines îles perdues) ou les décélérations intentionnelles, existent et s'opposent aux forces de mouvement et d'accélération. Mais, dans le long terme, l'équilibre entre les deux types de force se déplace en faveur du mouvement et de l'accélération plutôt que la décélération ou même un équilibre entre les deux types de force****.

Ce faisant, notre rythme de vie s'accélère, nos expériences du temps deviennent paradoxales et nous courrons sans cesse après le temps alors même que nous disposons de davantage de technologies de l'accélération qui devraient nous permettre d'économiser nos ressources temporelles. C'est cette course contre le temps et contre cet « en retard » qui crée au final une tension chez l'individu, du stress (de l'aliénation) et le sentiment de manquer de temps.

D'une très grande richesse (près de trente pages de bibliographie), Accélération est une oeuvre majeure pour comprendre et analyser les raisons pour lesquelles les changements de conjoint, de lieu de résidence, de travail et d'autres phénomènes sociaux se produisent de plus en plus rapidement, les modifications des formes de la compétition (de positionnelle à performative), la question de la reconnaissance*****, ... et bien d'autres thèmes. Un aspect qui manque dans l'étude de Rosa est une étude plus approfondie de l'impact de l'accélération sur les organisations, le travail et les individus. Mais comme Rosa a proposé une théorie critique de l'accélération, il n'y a qu'à la saisir pour investir d'autres disciplines.

La lecture de Accélération m'a permis de réfléchir à mon usage des technologies de l'accélération, aux changements sociaux autour de moi et à mon rythme de vie. C'est une lecture décisive pour mon « être dans le monde » comme l'écrit Rosa.

* High-speed society. Social Acceleration, Power, and Modernity est le titre d'un des livres dont Rosa est le co-éditeur.

** Les passages dans lesquels Rosa fait la démonstration que les accélérateurs dans la modernité se sont transformés en des "freins" dans la modernité tardive sont passionnants et notamment le chapitre sur Pouvoir, guerre et vitesse - l'État et l'armée comme facteurs institutionnels centraux de l'accélération.

*** Rosa fait partie de l'École de Francfort ou Théorie critique - il s'agit non seulement d'une critique des effets du capitalisme mais également une attitude intellectuelle refusant les cloisonnements entre les disciplines.

**** Rosa propose des scénarios relatif à la fin de l'histoire de l'accélération en conclusion. Cette partie-là n'est pas la plus aboutie de sa réflexion ou du moins elle peut apparaitre décevante.

***** Ce thème est un thème cher à Axel Honneth, actuel "chef" de file de l'Ecole de Francfort.
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Attention chef-d'oeuvre !
Incontestablement, un des ouvrages qui, à mes yeux, marqueront notre nouveau siècle. Rosa s'attaque à un phénomène peu étudié. le propos est convaincant même si, par moments, il manque de définition. Certaines pages sont clairement brillantes, d'autres jargonnantes apportent peu au sujet.
Un ouvrage qui se gravit comme une petite montagne avec plaisir et satisfaction de découvrir la vue nouvelle qui nous offre sur le monde qui nous entoure.
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"Accélération", du philosophe et sociologue allemand Hartmut Rosa, fait partie de ces tentatives assez rares de ce qu'on nomme des sociologies de la société. Dans ce groupe prestigieux d'ouvrages totalisants, on trouve entre autres, "Le capital" de Marx, "De la démocratie en Amérique" de Tocqueville, "De la division du travail social" de Durkheim, ou encore "La civilisation des moeurs" de Norbert Elias. Avec "Accélération", Hartmut Rosa réussit plutôt bien à s'intégrer dans ce panthéon. Comme ses illustres prédécesseurs, Rosa cherche à déterminer l'un des quelques facteurs centraux du passage à la modernité. Pour lui, l'accélération est l'un de ces facteurs, comme l'égalitarisme pour Tocqueville ou la division du travail pour Durkheim, pour ne citer qu'eux.
Lien : http://quoideneufsurmapile.b..
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A lire, même si certains passages peuvent être dérangeants...
A méditer...trucculent.
Lien : http://leslivresetlemonde.bl..
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Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
L'État et l'armée - comme l'ont bien montré P. Virilio, W.E. Scheuerman, C. Tilly ou M. Eberling, mais aussi A. Giddens et H. Münkler - représentent donc des facteurs d'accélération historiquement déterminants, puissamment efficaces, et qui ont joué un rôle "maïeutique" essentiel dans la naissance de la dynamique de l'intensification moderne et du développement des pratiques temporelles contemporaines. Ils semblent cependant, partager partager le sort de toutes ces institutions de la "modernité classique" que j'ai déjà pu présenter : elles sont, dans la modernité avancée, menacées d'érosion par les forces de l'accélération qu'elles ont elles-mêmes déchaînées, parce qu'elles sont devenues, dans leur mode de fonctionnement et précisément en raison de leur stabilité, des freins plutôt que des accélérateurs, autrement dit des entraves à la vitesse.

Avant d'en arriver là, il a cependant fallu emprunter un long chemin historique au cours duquel l'État territorial moderne a bousculé l'immobilité sociale des États précédents dans presque tous les domaines. L'accélération des processus sociaux et des transactions fut en particulier une conséquence de l'uniformisation des conditions de l'action à l'échelle de l'Etat territorial moderne et de son développement. L'unification progressive de la langue nationale, des devises, des fuseaux horaires, des systèmes d'éducation, de la législation, des systèmes administratifs, du régime fiscal, des infrastructures et des organes de direction centralisés apparut, en particulier grâce à la disparition des obstacles internationaux aux transactions et aux traductions, comme un gigantesque accélérateur du développement et de la circulation. Par la construction d'infrastructures, par l'amélioration de las sécurité juridique et commerciale, par la conquête du monopole de la force (et de l'impôt) à l'intérieur, comme par la garantie d'une relative sécurité vis-à-vis de l'extérieur, l'État-nation créa les conditions d'une planification fiable et sûre à long terme, indispensable au déploiement systématique de l'accélération scientifique et technique, économique et industrielle.

Le droit moderne autorisa, lui aussi - par opposition au droit coutumier ou aux conceptions statiques du droit naturel -, une adaptation dynamique à des besoins qui se transformaient, de même que les démocraties naissantes faisaient preuve d'une capacité d'adaptation. et de réaction supérieure à celles des monarchies traditionnelles. Dans le même temps, l'État moderne, par la mise en place de bureaucraties, se donna un instrument de décision et d'action extrêmement efficace, bien supérieur à tous les systèmes passés en termes de fiabilité et de rapidité, en particulier lorsqu'il s'agissait de se procurer et d'exploiter des ressources (avant tout les recettes fiscales) et des informations . Grâce à lui, les États modernes prospères ont connu une accélération inouïe de leur développement technique, économique et social, par la voie de la réglementation étatique et de bureaucratique et par le gouvernement politique des processus sociaux.

La concurrence, qui mettait principalement aux prises les États européens dans leur lutte pour l'expansion territoriale ainsi que la conquête et la mise ne valeur de colonies toujours plus lointaines fut en outre, pendant une longue période, l'une des causes principales de l'accélération technique des transports et des communications: les États nationaux étaient contraints d'investir massivement dans ces technologies, sous la forme de programmes civils et militaires, afin de ne pas se laisser distancier dans la lutte pour se procurer des ressources, débouchés et territoires. on peut alors comprendre la modernisation comme d'accélération de l'État centralisé, dont les motifs consistaient essentiellement dans la poursuite politique de l'accumulation et du maintien du pouvoir, dans le cadre d'un système d'États territoriaux rivaux qui commença à se constituer après les traités de Westphalie.
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Dans la modernité tardive, les cycles familiaux tendent de plus en plus à une durée de type infragénérationnel, ce dont les taux de divorces et de remariages, de familles éclatées ou recomposées sont la preuve la plus nette. Le compagnon d'une partie de la vie remplace aujourd'hui le conjoint pour la vie - cet argument ne postule absolument pas la disparition de la famille bourgeoise, au contraire: il est parfaitement compatible avec le constat empirique que cette forme de vie constitue un idéal social en vogue, et que les individus continuent de nouer des liens familiaux (éventuellement nouveaux)/ La monogamie à vie est donc de plus en plus remplacée par une forme nouvelle de monogamie en série et par un "couple à durée déterminée". Il s'agit ici d'une manifestation remarquable qui caractérise la modernité dans son ensemble.
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La contrainte d'adaptation, en revanche, est une conséquence de la dynamique structurelle des sociétés de la modernité tardive et, plus spécifiquement, de l'accélération de la transformation sociale. La transformation accélérée, pas seulement des structures matérielles de l'environnement, mais aussi des modèles relationnels et des formes de lien social, des orientations de l'action, entraîne inévitablement chez les sujets le sentiment existentiel de se trouver sur une pente qui s'éboule. Dans une société dynamique, en raison de la "compression du présent", la quasi-totalité des savoirs est constamment menacée d'obsolescence. Même dans les périodes dont le sujet dispose librement, c'est-à-dire des ressources temporelles soustraites à la nécessité de l'action, son environnement continue à se transformer rapidement. Lorsque ces périodes sont écoulées, il a accumulé des retards qu'il doit combler : à titre d'exemple, un universitaire qui revient de huit jours de vacances trouvera sa messagerie électronique débordant de questions de toutes sortes, des paquets de copie à corriger, une quantité impressionnante de nouvelles parutions en rapport avec sa recherche. On peut donc aisément se représenter comment, dans une société très dynamique, peut naître le sentiment oppressant d'un temps qui fuit à toute allure même dans les périodes de congé. Le cours des "événements objectifs" est bien trop rapide pour que l'on puisse réagir et l'assimiler, au niveau de l'action ou de l'expérience vécue. En cela consiste la contrainte d'accélération structurelle de la modernité qui oblige les sujets à vivre plus vite.
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Quand les trois (quatre, si l'on ajoute le temps sacral) niveaux de l'expérience individuelle du temps ne peuvent plus être accordés entre eux, ou avec les modèles temporels systémiques, des conséquences fâcheuses se font inévitablement sentir aux niveaux individuel et collectif. Une resynchronisation n'est alors possible qu'aux prix d'une "révolution" culturelle (temporelle) ou structurelle (temporelle). De ce point de vue, les considérations qui suivent sont aussi une contribution à une "sociologie de la vie bonne" qui reste encore à écrire et qui, contrairement à une "philosophie de la vie bonne" qui devrait élaborer les critères éthiques abstraits de la conduite de la vie, opposera de manière critique les représentations sociales dominantes - explicites ou non - d'une existence réussie aux conditions structurelles dans lesquelles on s'efforce de réaliser ces conceptions.
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Afin de mieux comprendre les alternatives auxquelles nous sommes confrontés, imaginons deux femmes, Anna et Hannah, dans trois petits plans-séquences, à trois moments de n’importe quel jour de la semaine.

7 h. Anna est installée à la table du petit déjeuner. Son mari est assis près d’elle, alors que viennent les rejoindre leur fils adolescent, puis leur fille déjà presque adulte. Les enfants adressent à Anna un grand sourire, auquel elle répond par un sourire lumineux. « Mon Dieu, qu’ils me sont chers ! pense-t-elle. Ces moments du matin que l’on partage avant que ne commence la journée sont, pour moi, ce qui compte le plus au monde. »

8 h 30. Sur le chemin du travail, le soleil brille. Anna goûte la chaleur de ses rayons ; elle se réjouit des tâches qui l’attendent et a hâte de retrouver ses collègues.

18 h, au gymnase. Anna est heureuse de pouvoir enfin se remuer un peu, elle joue avec son groupe de loisirs au volley-ball ; elle aime ce sport surprenant, et qu’importe si elle gagne ou si elle perd.

Pour Hannah, il en va tout autrement.

7 h. Hannah est installée à la table du petit déjeuner. Son mari est assis près d’elle, alors que viennent les rejoindre leur fils adolescent, puis leur fille déjà presque adulte. Leur mauvaise humeur crève les yeux. On se regarde avec des airs chagrins, quand on se regarde. « Mon Dieu, comme j’ai horreur de cela ! Qu’est-ce que je fais donc avec ces gens ? Qu’est-ce qui me lie à eux en dehors des soucis qu’ils me donnent ? »

8 h 30. Sur le chemin du travail, le soleil brille. Hannah craint les coups de soleil. L’idée du travail qui l’attend la rend malade. « J’en ai marre de devoir supporter les sempiternelles mines renfrognées de mes collègues et de les entendre sans cesse raconter les mêmes histoires. »

18 h, au gymnase. Hannah se demande ce qu’elle fiche là. Certes, elle a besoin d’activité, mais pourquoi devoir encore se crever après une journée de travail ! Elle joue mal au volley-ball et ses partenaires l’agacent. Elle n’est donc finalement heureuse que lorsque tout cela s’arrête.
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Vidéo de Hartmut Rosa
L'urgence d'agir bouleverse notre rapport au temps et nous précipite dans un avenir, promesse de catastrophes et de pénuries. Comment alors dépasser le sentiment d'urgence qui nous écrase ? Comment dépasser notre état de sidération ? le philosophe et sociologue allemand Hartmut Rosa, auteur notamment de "Accélération. Une critique sociale du temps et de Rendre le monde indisponible" (La Découverte, 2020) refuse l'idée que nous serions déjà en retard et nous invite à ralentir pour agir.
#urgence #philosophie #etmaintenant _____________
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