Ce furent des années de bonheur, dis-je, mais la félicité est faite d'une substance si légère qu'elle se fond facilement dans le souvenir, et si elle remonte à la mémoire, c'est avec ce sentiment écœurant que j'ai toujours rejeté comme inutile, mièvre et finalement nuisible à la vie au présent: la nostalgie. Non plus que les tragédies qui ont suivi ne doivent ternir ce souvenir heureux, ni le teinter de malheur ou de ressentiment envers le monde; pas plus que l'injustice ou la tristesse du passé n'effaceront les indubitables périodes de joie et de plénitude. Rien de ce qui est advenu ensuite n'entachera d'amertume ces années heureuses.