AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Danieljean


À l’asile d’aliénés du docteur Behrend, dans les environs de Berlin, une vieille femme – d’une soixantaine d’années – attirait l’attention. Elle avait des traits fins et intéressants, une vigoureuse chevelure grise et de grands yeux d’un gris tirant sur le vert. Jamais ces yeux ne se fixaient dans le vide. Soit, éteints pour le monde extérieur, ils semblaient plongés dans une contemplation intérieure, soit ils étaient levés, tantôt exprimant une quête passionnée et éperdue, tantôt ravis et comme absorbés dans la contemplation d’un objet. Des yeux de visionnaire. Ces yeux extraordinaires lui donnaient la physionomie d’une femme plus jeune. Le plus souvent elle restait muette. Par moments, pourtant, elle commençait à parler, et il semblait alors qu’elle tînt une conversation avec des êtres surnaturels. Ses mots exhalaient une incommensurable mélancolie, ou un ravissement dithyrambique. Elle proférait de profondes et nobles pensées, en une formulation qui rappelait le Zarathoustra de Nietzsche. On aurait pu croire que cette vieille femme avait été une grande poétesse, et qu’un excès de stimulation intellectuelle était cause de ce dérangement mental. C’était tout le contraire. Le neurologue, qui s’intéressait à cette forme remarquable de folie, recueillit des informations au sujet de sa vie passée. Ce qu’il apprit le plongea dans un étonnement profond, et ne contribua nullement à résoudre l’énigme de cet être. Tous ceux qui avaient connu l’épouse du fonctionnaire Schmidt, étaient unanimes : elle avait été une bonne et brave ménagère, quelque peu étriquée et bourgeoise, sans culture, et totalement absorbée par la vie de famille. Elle avait deux filles, mariées depuis longtemps. Son comportement avec les enfants avait, de tout temps, été extrêmement chaleureux. Au cours des huit dernières années, elle avait soigné son mari paralysé avec un dévouement sans bornes. Après sa mort, elle s’était peut-être sentie un peu seule. Elle avait rendu plusieurs visites à ses filles mariées. Aucun membre de sa famille n’avait remarqué la moindre excentricité dans son comportement, elle leur avait seulement paru un peu plus taciturne, et plus repliée sur elle-même qu’à l’accoutumée, ce qui s’expliquait fort bien par le deuil de son époux et sa solitude.
Commenter  J’apprécie          30





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}