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Marie-France de Palacio (Traducteur)
EAN : 9782714312990
180 pages
José Corti (13/04/2023)
4.16/5   19 notes
Résumé :
Méconnue en France, alors qu’elle fait l’objet de nombreuses études à l’étranger, l’œuvre de Hedwig Dohm (1831-1919) mérite pourtant traductions et (re)lectures. Cette féministe (accessoirement grand-mère de la femme de Thomas Mann) ne s’est pas contenté d’écrire de véhéments textes polémiques, ni de lutter par tous les moyens pour l’autonomie intellectuelle et juridique de la femme. D’ailleurs, si des ouvrages comme Ce que les pasteurs pensent des femmes (1872), L... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Quand une femme part à la recherche du temps perdu...

Il faut, d'ores et déjà, avouer que le titre de ce petit livre est des plus séduisants. Quand, en plus, un jeune libraire plein d'enthousiasme vous recommande une oeuvre écrite par une pionnière du féminisme, cela devient irrésistible.

Ce titre reprend le fameux « deviens ce que tu es » de Nietzsche , sans doute la citation la plus célèbre et la plus galvaudée de la philosophie, mais elle est ici subtilement modifiée pour devenir une véritable injonction féministe. L'héroïne se fait cette réflexion parce qu'elle s'est aperçue qu'elle n'était pas encore elle-même et elle a pris conscience de son aliénation, au sens propre et au sens figuré. Ce n'est donc pas un hasard si nous rencontrons cette héroïne, au début du livre, dans un asile.

L'histoire nous fait, en effet, découvrir Agnès Schmidt, une femme âgée de 54 ans, que l'on pense folle et qui a été internée dans les environs de Berlin. Elle est suivie par un médecin qui s'intéresse de près à son cas. Quand elle lui confie son journal, le docteur Behrend s'empresse de le lire et de nous livrer son contenu.

J'avoue que j'étais aussi impatiente que le médecin de découvrir ce journal intime et je me suis arrêtée souvent pour recopier des citations tant son contenu me semblait riche : réflexions d'épouse et de mère, réflexions de femme bien sûr et réflexions sur la vieillesse aussi d'une grande acuité. Un roman qui prouve que l'on peut se révéler à soi-même à tout âge, que l'important est d'être soi et non ce que les autres attendent ou veulent que l'on soit.

Cette lecture a fait écho à 𝑅𝑒𝑛𝑎𝑡𝑎 𝑛'𝑖𝑚𝑝𝑜𝑟𝑡𝑒 𝑞𝑢𝑜𝑖 que j'ai aussi découvert cette année. Là aussi une femme veut tardivement se libérer, s'aperçoit qu'elle n'a pas vraiment vécu pour elle-même et semble re-naître.

C'est un texte fort et émouvant avec une post-face très enrichissante. Je vous conseille bien sûr de lire l'ensemble de cet opuscule.
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Je l'ai choisi dans la bibliothèque de ma pote Marie qui l'avait pas lu juste pcq c'était la maison d'édition corti et que j'avais lu l'attente du soir qui était ouf. Je l'ai commencé sans vraiment d'attente et je l'ai un peu abandonné pendant quelques semaines alors que le début était pas déplaisant mais en me remettant dedans j'ai capté que c'était bel et bien pas déplaisant mais que c'était même carrément plaisant voire cool, et ça l'est devenu encore plus quand j'ai capté que la meuf avait écrit ça en 1894 ?? Alors que j'ai trouvé l'écriture hyper moderne et accessible et les thèmes abordés hyper actuels, j'imagine que c'est pour ça qu'il a été republié et traduit, en tout cas chapeau bas
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Agnès Schmitt est une femme d'une soixantaine d'années internée dans un asile. le docteur Behrend, qui l'observe depuis près de deux ans, peine à comprendre comment sa patiente a pu tomber dans la folie, la dissociation. Il finit par lire son journal intime.

On découvre qu'Agnès n'a été regardée qu'à travers ses rôles d'épouse et de mère. Elle-même découvre tardivement ce qu'est une femme hors de ces rôles que la société lui impose et dont elle se plie volontiers malgré quelques regrets : "Je ne manquais de rien, sauf de la possibilité de lire davantage".
Son époux décédé, ses filles mariées, elle prend peu à peu conscience de sa véritable identité. Cette quête se fait par des voyages aussi bien intimes (par la tenue d'un journal) qu'extérieurs (avec des séjours en Italie par exemple). La lecture est aussi vue comme un voyage vers les autres et vers soi-même. Elle finit par se rendre compte des masques qu'elle et les autres portent. Cette plongée en elle-même et cette prise de conscience ne peut que la troubler : "Suis-je vraiment Agnès Schmidt ?"

L'utilisation de la folie dans la nouvelle permet de mettre en évidence le prix d'une vie trop longtemps reléguée au second plan. La découverte du soi devient terrible à supporter car elle suppose le deuil de ce que l'on n'a pas été, d'où ce titre "Deviens celle que tu es". Avant qu'il ne soit trop tard.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
À l’asile d’aliénés du docteur Behrend, dans les environs de Berlin, une vieille femme – d’une soixantaine d’années – attirait l’attention. Elle avait des traits fins et intéressants, une vigoureuse chevelure grise et de grands yeux d’un gris tirant sur le vert. Jamais ces yeux ne se fixaient dans le vide. Soit, éteints pour le monde extérieur, ils semblaient plongés dans une contemplation intérieure, soit ils étaient levés, tantôt exprimant une quête passionnée et éperdue, tantôt ravis et comme absorbés dans la contemplation d’un objet. Des yeux de visionnaire. Ces yeux extraordinaires lui donnaient la physionomie d’une femme plus jeune. Le plus souvent elle restait muette. Par moments, pourtant, elle commençait à parler, et il semblait alors qu’elle tînt une conversation avec des êtres surnaturels. Ses mots exhalaient une incommensurable mélancolie, ou un ravissement dithyrambique. Elle proférait de profondes et nobles pensées, en une formulation qui rappelait le Zarathoustra de Nietzsche. On aurait pu croire que cette vieille femme avait été une grande poétesse, et qu’un excès de stimulation intellectuelle était cause de ce dérangement mental. C’était tout le contraire. Le neurologue, qui s’intéressait à cette forme remarquable de folie, recueillit des informations au sujet de sa vie passée. Ce qu’il apprit le plongea dans un étonnement profond, et ne contribua nullement à résoudre l’énigme de cet être. Tous ceux qui avaient connu l’épouse du fonctionnaire Schmidt, étaient unanimes : elle avait été une bonne et brave ménagère, quelque peu étriquée et bourgeoise, sans culture, et totalement absorbée par la vie de famille. Elle avait deux filles, mariées depuis longtemps. Son comportement avec les enfants avait, de tout temps, été extrêmement chaleureux. Au cours des huit dernières années, elle avait soigné son mari paralysé avec un dévouement sans bornes. Après sa mort, elle s’était peut-être sentie un peu seule. Elle avait rendu plusieurs visites à ses filles mariées. Aucun membre de sa famille n’avait remarqué la moindre excentricité dans son comportement, elle leur avait seulement paru un peu plus taciturne, et plus repliée sur elle-même qu’à l’accoutumée, ce qui s’expliquait fort bien par le deuil de son époux et sa solitude.
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A l'asile d'aliénés du docteur Behrend, dans les environs de Berlin, une vieille femme-d'une soixantaine d'années-attirait l'attention. Elle avait des traits fins et intéressants, une vigoureuse chevelure grise et de grands yeux d'un gros tirant sur le vert. Jamais ces yeux ne se fixaient dans le vide. Soit, éteints pour le monde extérieur, ils semblaient plongés dans une contemplation intérieure, soit ils étaient levés, tantôt exprimant une quête passionnée et éperdue, tantôt ravis et comme absorbés dans la contemplation d'un objet. Des yeux de visionnaire. Ces yeux extraordinaires lui donnaient la physionomie d'une femme plus jeune. (page 7)
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En fait, la folie n'est-elle pas bien plus naturelle que notre raison bien dressée ? La folie laisse les impressions et les représentations agir sur soi, comme le soleil agit sur les plantes, comme la tempête sur la mer, sans critique, sans résistance.
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Par moments, l’idée de devoir rester toujours à un endroit du globe, tandis qu’il existe des millions d’endroits plus beaux, a quelque chose d’effrayant. Ne jamais les voir . Nous sommes pitoyablement conçus. Si totalement dépourvus d’ailes.
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C'est ainsi que la vieillesse devrait s'écouler, un office du soir aux doux échos. (page 83)
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