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Citation de Charybde2


Une fois dehors il constate que le vent a encore forci, le ciel s’est assombri. La pluie gelée du vent catabatique disperse ses gouttes froides pour masquer l’horizon. Les icebergs peinent à diffuser leur douce lumière bleutée. L’eau juste glauque ou vraiment noire est parsemée de nénuphars de glace. Bientôt la nuit sera perpétuelle, songe-t-il. Et bientôt la neige supprimera les reliefs. Ernest Shackleton profite de la fin du jour pour faire le grand tour de l’ancienne station baleinière en se traînant le long des rails. Par endroits les deux lignes brunes s’effacent sous la boue et semblent tourner sur elles-mêmes sans jamais mener nulle part. Partout la rouille se mélange comme un sang taurin coagulé à la neige fondue. Les palettes natatoires passent sur l’acier comme l’auraient fait des moufles autrefois, toujours plus aptes à caresser qu’à tenir quoi que ce soit. Un goût amer lui remonte dans la gorge et, dans la raideur presque douloureuse des canines, il sent la curieuse nécessité de mordre plus que celle de manger.
Tout autour les tôles dérivetées des anciens magasins de pièces détachées battent à se rompre et parfois le vent les prend à revers et achève de les tordre dans un vacarme étourdissant. Le miracle des maisons debout l’émeut plus que tout le reste et parfois il ui semble qu’un Norvégien barbu l’observe à travers les planches clouées aux chambranles pour remplir le vide des vitres brisées. Il reste à la portée de n’importe quel harpon. Sa graisse ne sert plus qu’à lui-même.
(Or blanc, Sylvain Coher)
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