Avec le recul, je pense qu'à I'instant meme où ma mère, mes tantes, ma grand-mère comprirent ce qu'avait fait leur neveu, fils et petit-fils, elles déciderent de garder le silence. Je sais qu'au fond d'elles, elles m'en voulaient même de le leur avoir raconté:j'avais brisé un tabou. On tait ces choses-là dans une famille arabe. On fait comme si elles n'existaient pas. Dans une culture basée sur la frustration sexuelle au nom de l'honneur, il ne peut y avoir que des filles ou des femmes aguicheuses, allumeuses, immorales, sales. Si l’homme ne parvient pas à dominer ses pulsions, c'est que la femme n'a pas su se tenir :c'est elle la coupable. Aujourd'hui je ne leur en veux plus: elles sont les premières victimes.
Depuis que j'avais retiré mon voile, on me regardait bizarrement dans mon quartier. Les «sœurs salafistes , qui ne me parlaient auparavant quasiment pas, me lançaient maintenant des regards méprisants. Mais meme les autres, celles qui ne portaient qu'un petit voile, me jaugeaient d'un œil méfiant. Pour elles, c'était clair: j'avais choisi le mauvais chemin. Visiblement je ne faisais plus partie de leur communauté. Cela ne questionnait : pour qui se prenaient-elles? Comment pouvaient-elles savoir si j'étais ou non une bonne musulmane ?